L’accumulation du capital à la française

Nous connaissons une situation paradoxalement propre au capitalisme. La crise économique liée à deux facteurs : l’un concerne l’ajustement structurel des marchés, l’autre concerne les conséquences de la pandémie liée au SARS-CoV-2 et de ses variants. Une crise peut en cacher plusieurs. Au moment où nous écrivons ces lignes, la « droite gouvernementale » préfère jouer la carte de la « sécurité répressive » que de la « sécurité alimentaire ». Chacun y verra ses priorités. Il semble nécessaire de voir qu’il y a une déconnexion intégrale de ce que peut vivre les travailleurs et les plus précaires. En effet, le retour de l’ordre bourgeois pour broyer les plus précaires au travers d’une « force armée » exclusivement tournée au profit du capital et de la bourgeoisie me rappelle très bien le texte de Rosa Luxemburg : « l’ordre règne à Berlin » (nous avons mis des extraits dans notre newsletter n°8). Le capitalisme sait très bien qu’il a besoin de la pauvreté pour faire fonctionner son système fondé uniquement sur les inégalités.
La question justement de la réduction des inégalités, une mesure nécessaire pour augmenter la compétitivité des entreprises à long-terme et en conséquences celle du pays en question. En effet, lorsque les inégalités sont résorbées par les différents freins de l’État alors l’accumulation du capital devient moindre. Par ailleurs, il convient de souligner que cette démarche n’est en aucun cas du goût de la bourgeoisie qui refuse de se voir « taxer » davantage quand bien même son modèle consiste à se tirer une balle dans le pied à moyen et long-terme. L’avarice de la bourgeoisie se traduit par de nombreuses fables afin justement de refuser l’égalité en promettant l’égalité des chances, c’est-à-dire refuser l’égalité réelle et se battre pour l’égalité du point de vue du droit quitte à entraîner l’ensemble de la société vers une spirale par le bas.
La question que les réformistes tendent de mettre en avant se traduit par un souci de dialectique entre le terme « équité » et « égalité ». Quoi que certains puissent en dire, ce n’est pas l’équitarisme qui anime la lutte actuelle, mais bien le désir de l’égalitarisme. Dès lors, on amène sur des débats sémantiques une tout autre réalité. En effet l’équité sert justement à la petite-bourgeoisie pour mettre en avant le symbole de « l’égalité des chances » afin de créer une « égalité du droit » et non une « égalité réelle ». Dès lors, cela permet entre autres à ce que l’ascenseur social soit en panne. Ce n’est pas une anomalie, c’est le fonctionnement même du capitalisme et de la reproduction des classes sociales. La méritocratie reste une chimère et une fable capitaliste. Comprendra celui qui sera en mesure de voir qu’une infime minorité de personne sorte de leur classe par leur le haut.
La classe dominante a besoin dans les faits d’instaurer une peur éparse en ce qu’il concerne la chute vers le déclassement de la « petite-bourgeoisie ». Dans les faits, il ne convient plus de donner une seule once d’espoir, mais de faire régner la terreur au sein de cette dernière afin que la « petite-bourgeoisie » se rallie à la classe dominante. Dans ces conditions, elle constitue dans les faits une classe réactionnaire et n’aspire qu’à entretenir la pauvreté et l’accroissement des inégalités afin de protéger son statut, mais aussi de ses valeurs. Ainsi, le capitalisme a trouvé les meilleurs soldats pour la défendre afin de poursuivre une « contre-révolution » idéologique. De telle sorte à ce que les mouvements néofascistes et illibéraux qui sortent des urnes s’inscrivent dans les faits d’une accentuation du « péril rouge » et d’un fort sentiment d’appartenance à la « nation ». Ainsi, le patriotisme d’Emmanuel Macron ou le nationalisme de Marine Le Pen ne sont que les deux mêmes faces d’une pièce portant sur les mêmes opinions avec un électorat et un programme très similaire. En effet, il existe une certaine alliance objective entre la droite radicale et l’extrême-droite. Le projet de faire allier des « rivaux » dans les idées questionne et interroge.
Ainsi, les gouvernements successifs sapent volontairement les principes républicains afin d’embrasser les thèses illibérales et de refaire surgir « l’odieuse bête ». Parlons désormais de Bolloré, un milliardaire très proche des idées lepénistes et de Pécresse. Ainsi, le patron multi-milliardaire propriétaire de CNEWS et de C8 entre dans les clous de réaliser une société du spectacle au détriment du vrai spectacle des artistes. Sur le bouquet Canal, le virage identitaire, xénophobe et raciste nous ferait croire que nous sommes tombés sur une sorte de FoxNews à la Française. De telle sorte à ce que Bolloré prépare le terrain à l’extrême-droite plus ou moins radicale en s’associant avec des délinquants multirécidivistes et des personnes accusées de violences sexuelles. C’est son choix, mais cela souligne tout de même son axe au niveau des valeurs qu’il promeut au sein de son groupe. Nous sommes loin de la philanthropie. Au contraire, l’idée de Bolloré reste de préparer les esprits à un gouvernement et à une présidence d’extrême-droite. De ce fait, les associations saugrenues nous rappellent lorsqu’une partie de la bourgeoisie dans une montée du « péril rouge » a inondé l’extrême-droite et soutenu les pires politiques amenant in fine à l’un des génocides. Toutefois, il faut se souvenir que Bolloré soutient exactement le même programme que Macron appliqué à sa favorite à savoir Marine Le Pen. Cette dernière se fait passer pour une antisystème alors qu’elle est la future héritière de Montretout.
Mais il n’y a pas que Bolloré qui accumule, il y a aussi Bernard Arnault. Son patrimoine a grimpé de 70 Mds supplémentaire entre 2020 et 2021 selon les classements de Bloomberg et Forbes. De ce fait, sa fortune est estimée à 150 Mds de dollars soit plus de la moitié du budget de l’État. Dans ces conditions, on peut clairement se demander d’où provient dans les faits cet enrichissement soudain ? De l’action du gouvernement d’une part au travers des aides des entreprises, mais aussi de la compression et modération salariale. Ils avaient prédit que cela ferait décoller l’économie, mais c’est l’inverse qui s’est produit : la création de richesse s’est tarie progressivement pendant que les taux de rendement ont explosé.
En effet, la crise sociale qui entre dans son sillage apparaît comme potentiellement dévastateur pour le fait que le tissu social de la France, mais aussi celui de l’Union Européenne. Dès lors, on peut se poser la question que les tensions sociales en lien avec l’exacerbation des antagonismes de classes. Ainsi, la pauvreté a fait « un bon en avant » alors que la richesse s’est accumulée de façon totalement indécente chez les millionnaires et milliardaires qui ont su profiter de la crise pour augmenter leurs portefeuilles. Des millions de personnes se paupérisent et se sont cruellement appauvris. Dans ces conditions, les premiers de cordés ont coupé la corde et ceux qui sont encore attachés essayent de faire fonctionner la solidarité dans un monde où les richesses produites sont accaparées par une toute petite minorité.
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