Le témoignage visionnaire de “Sat” dans “la légende” de la FF

Parfois, nous sommes bel et bien obligés de reprendre un peu nos classiques lorsque nous assistons à l’explosion du “rap conspi” ou du “rap de droite”. On aurait pu choisir différents artistes, mais comme nous en avons fait un extrait lors de notre article sur la Commune de Paris, il était peut-être temps de s’attaquer sur l’ensemble de la chanson. En effet, le Hip-Hop contrairement au “rap actuel” critiquait la société et élaborait une vision sociologique de ceux que vit une partie de la population avec un “flow” et un “beat” digne de redorer le “Hip-Hop“.
Actuellement, nous sommes plutôt dans l’idée de ce que faisait le chanteur Nas dans son album “Hip Hop Is Dead”. En effet, la musique populaire a été transcendait la culture et se mettait dans une certaine position vis-à-vis du pouvoir tout comme celui de l’autorité. Aujourd’hui, le Hip-Hop s’est transformé dans une soupe où la substance même de ce qui a fondé le courant musical est dénaturé. Il s’agit certes d’une musique populaire, mais il s’agit surtout d’une musique qui s’est converti et soumis aux différentes grandes maisons de production afin de produire de la “pop”.
Le “politiquement correct” s’est enraciné progressivement dans un “lissage” des différents textes afin que cela ne crée pas de remous et ne bouscule point la société. Or, nous vivons dans une époque où la critique sociologique à travers génère des questions taboues. De ce fait, la musique permet de “faire réfléchir” et d’amener une contribution au débat public et politique. Le Hip-Hop a été mal vu à son point de départ. Certaines personnalités de renommée ont d’ailleurs essayé d’interdire les différents concerts. Le “Hip-Hop” à l’ancienne s’inscrivait dans une logique de rupture de la société capitaliste.
Le mépris de la bourgeoisie vis-à-vis du son prolétarien fait à partir de quelques samples, d’une basse et d’une boite à rythmes reste comparable à la vague punk qui a déferlé entre les années 1970 – 1980. L’objectif de la classe dominante réside dans le fait de créer un mouvement artistique en le vidant de ce qui faisait sa renommée. Le monde alternatif a évolué et les vieilles musiques sont ignorées. Pourtant, une quinzaine d’années sépare le morceau de “la légende de la Fonky Family” et d’une génération actuelle débordé par un “rap de divertissement”.
L’aspect contestataire semble être toutefois oublié de nos jours, mais aussi au travers des différents groupes d’influence au sein des syndicats de policiers tout comme le patronat et l’extrême-droite, les artistes ne peuvent plus s’exprimer lorsqu’ils expliquent la réalité du quotidien et des questions que se posent le prolétariat.
La Fonky Family pose un “flow” dénonçant les conditions de vie des classes populaires dans les banlieues loin de la déconnexion de la “classe dominante”. Le “rap contestataire” s’inscrit également dans une ligne directrice où le “matérialisme” s’enracine dans le fait que les luttes sociales façonnent l’Histoire populaires.
Ils disent nous r’présenter, mais connaissent quoi d’nos existences
Fonky Family – La légende
Sont-ils déjà venus dans nos rues histoire de voir c’qui s’passe ?
À moi seul j’te représente plus que ton député
Tes sénateurs, ministres et autres fils de …
C’est sinistre, on d’mande pas la lune mais des logis décents
L’État nous répond par quoi, des flics qu’abusent du pouvoir lors les descentes
On d’mande pas grand chose : des emplois, l’État nous répond avec quoi ?
Nous envoie quoi ? Des CRS des convois
Faudrait qu’on les pleure quand ils meurent avec bravoure
Qu’on tire un trait sur les notre partis suite à leurs bavures
On notera toutefois qu’il a une vision dénonçant le “capitalisme” à travers des faits, mais le groupe pointe également la question du chômage de masse. Les “privés d’emplois” en lien avec la structure même du capitalisme. La seule réponse des classes populaires vis-à-vis de ce phénomène se traduit par des politiques autoritaires et liberticide. La chanson date de 2001, c’est-à-dire qu’elle a exactement vingt ans. C’est le moment où l’on se demande qu’une génération s’est écoulée, mais la validité du témoignage que “Sat” rend à l’auditoire reste implacable. Il y a une vraie vision de créer une alternative dans un pays où la droite gouverne.
La question des “violences policières” et des “morts par la police” est déjà évoquée sur deux strophes témoignant le visage de l’Etat. En effet, il y a une vision implacable sur ce que représente l’autorité de l’Etat et de son hypocrisie. Les meurtres racistes soulèvent la question également de poursuivre le combat pour chaque bavure en demandant la “justice et la vérité”.
Pensaient-ils aux conditions d’vie en prison
Fonky Family – la légende
Avant qu’un docteur donne l’alerte, ??? suicide et des lettres
J’dresse mon doigt l’troisième face à leur système
Si tu t’sens fais-en d’même, l’État récolte ce qu’il sème
Me d’mande pas d’voter j’reste politiquement incorrect
J’compte que sur moi pour vivre, ou du moins pour être
J’suis pas un poète, qui sait où je s’rai dans 10 ans
Peut-être à l’abri ou dans leurs cellules de prison
À traîner dans ces mêmes rues, d’vant ces mêmes batiments
Attendant d’être frappé d’la grâce de Dieu ou d’son châtiment
J’prends parti pour les miens mais j’ai rien d’un prophète d’un messi
Rien d’un voyou comme Spagiari ou Mesrine
J’suis pas un mesquine, j’ai qu’mon rap comme exutoire
La rage en moi est contre celui qu’a l’pouvoir exécutoire
J’les mets au défi d’vivre un jour c’qu’on a
Au défi d’venir sentir et voir c’qui s’passe en bas
Au défi d’venir vivre c’qu’on vit en nos lieux et places
Au défi d’venir prendre la température d’ambiance
Finalement, il y a tout de même une volonté de créer une véritable sociologie en racontant la réalité de la vie des classes populaires, notamment dans les “grands ensembles”. L’album “art de rue” est à réécouter et même en boucle, afin de comprendre le sens de ce qui signifie réellement “faire du Hip-Hop” loin de la “soupe capitaliste” qui est servie en boucle sur les chaînes musicales et dans les différentes radios.