Pourquoi l’UJFP a tout faux sur l’antisionisme
J’ai écrit dernièrement un article sur la question de l’antisionisme et notamment de sa pénalisation en relayant la définition de l’Alliance internationale pour la Mémoire de l’Holocauste (IHRA) concernant l’antisémitisme. De nombreuses personnes ont cru y voir une instrumentalisation de la part d’Israël et du CRIF. Cela reprend les vieilles théories antisémites selon lesquelles les juifs et a fortiori les sionistes contrôleraient la politique menée en matière de répression antisémitique. Pourtant, l’IHRA est une organisation indépendante, regroupant près de 31 États, et bien loin des différentes spéculations que l’on peut lui porter. C’est Göran Persson, Premier ministre suédois, qui l’a fondée en 1998. La France l’a rejointe dès 1999.
Dans un article, l’UJFP [1]Coordination nationale de l’UJFP, “Nous sommes juifs et nous sommes antisionistes”, le 19 février 2019, consulté le 24 février 2019, [En ligne], URL … Continue reading, en tant qu’organisation juive laïque, tente d’expliquer les raisons de son antisionisme.
« Nous sommes antisionistes parce que la Nakba, le nettoyage ethnique prémédité de la majorité des Palestiniens en 1948-1949 est un crime qu’il faut réparer. »
Si la Nakba est un drame, il faut rappeler que le droit à l’autodétermination est un droit fondamental pour tous les peuples. La création de l’État israélien s’est réalisé à travers une guerre d’émancipation ayant pour seul but la fondation de son propre État. Malgré l’histoire, Israël est un état démocratique. La question du « droit au retour » n’est pas possible dans l’état actuel des revendications. D’ailleurs, les différentes marches organisées à Gaza se font sous le symbole d’un antisionisme radical qui souhaite rayer Israël de la carte. Ce n’est pas pour rien si le Hamas, qui contrôle cette zone, est soutenu par le régime de Téhéran profondément antisioniste et anti-israélien. Vouloir une solution à deux États et garantir la paix entre Israël et la Palestine suggère d’abandonner cette revendication farfelue et impossible à mettre en place. Les Palestiniens peuvent retourner dans les frontières reconnues par l’ONU en 1967, avec Jérusalem-Ouest comme capitale de la Palestine et Jérusalem-Est pour capitale d’Israël. Vouloir le droit au retour signifie, in extenso, vouloir deux États palestiniens et donc une « Grande Palestine ». Quid du droit à l’autodétermination des juifs ? Si les juifs n’ont pas le droit à l’autodétermination, les Palestiniens n’en n’auraient pas plus le droit, ce qui paraît absurde. Cela va à l’encontre du droit international.
« Nous sommes antisionistes parce que nous sommes anticolonialistes. »
Dans l’idée du sionisme promulgué par l’UJFP, le sionisme serait une politique coloniale. La gauche sioniste israélienne souhaite la fin de la colonisation de la Cisjordanie et, pour certains de ses partisans, l’évacuation des colonies comme ce qui a été fait à Gaza à travers le plan de désengagement unilatéral décidé sous Ariel Sharon en août 2005. Le Meretz est un parti de gauche sioniste, socialiste et laïc qui défend l’idée « deux peuples, deux États » dans le cadre des frontières de 1967. Cela montre bien que l’on peut être sioniste et anticolonialiste.
« Nous sommes antisionistes par ce que nous sommes antiracistes et parce que nous refusons l’apartheid qui vient d’être officialisé en Israël. »
La question de l’apartheid revient fréquemment dans le discours antisioniste. Pourtant, dans l’apartheid tel que l’a vécu le régime sud-africain, les personnes de couleur noire n’avaient aucun droit sur le plan civique et ne pouvaient pas se présenter aux différentes élections. Il serait ironique qu’un régime d’apartheid accepte des listes arabes pour la Knesett, le parlement israélien. Si c’était le cas, il n’y aurait aucun député arabe. Or, la démocratie libérale, si conservatrice qu’elle soit, accepte les Arabes israéliens dans leur institutions : il n’y a donc pas d’apartheid. D’autre part, de nombreux sionistes refusent la politique ultra-conservatrice de Netanyahou et le racisme ambiant. Autrement dit, pas besoin d’être antisioniste pour combattre le racisme.
« Nous sommes antisionistes parce que nous défendons partout le “vivre ensemble dans l’égalité des droits”. »
Dans le cadre du « vivre ensemble », l’antisionisme refuse le concept « deux peuples, deux États », c’est-à-dire une solution à deux États, mais bien d’un État binational comme le promeut le Premier ministre actuel Netanyahou. L’antisionisme refuse l’égalité des droits et du « vivre ensemble ».
« Au moment où ceux qui défendent inconditionnellement la politique israélienne malgré l’occupation, la colonisation, le blocus de Gaza, les enfants arrêtés, les emprisonnements massifs, la torture officialisée dans la loi… préparent une loi liberticide assimilant l’antisémitisme qui est notre histoire intime à l’antisionisme… »
Manifestement, l’UJFP fait une confusion entre l’antisionisme et la critique d’Israël. Critiquer le régime d’Emmanuel Macron ne veut pas dire être « anti-Français ». Le sionisme est tout à fait assimilable de la critique de la politique de Benjamin Netanyahou. En effet, entre reconnaître le droit à l’autodétermination des juifs et la légitimité d’Israël et la critique d’Israël, il existe un fossé très important. L’UJFP fait un procès d’intention qui est de considérer que tous les sionistes soutiennent aveuglément la politique du Premier ministre et notamment des multiples plans de colonisation tout comme la construction des différents murs. Cette confusion semble majeure. C’est pour cela qu’il n’hésite pas à fréquenter des partis nauséabonds antisionistes et antisémites comme le Parti des Indigènes de la République. Dernièrement, ses membres ont manifesté contre l’antisémitisme et son instrumentalisation. Il s’agissait ni plus ni moins que de remettre sur le devant de la scène la fameuse question du philosémitisme d’État. Ensuite, ils peuvent reprendre les textes de Shlomo Sand comme argumentation pour leur campagne. Mais une chose est sûre, l’antisionisme promulgué par l’UJFP n’amènera rien de bon puisque cette union refuse la solution à deux États. La paix entre les deux États suggère d’abord de reconnaître Israël comme un pays à part entière. Dans le même temps, ils n’ont pas fait de critique sur la politique palestinienne au moment où les élections législatives avaient lieu en 2006 et que Mahmoud Abbas — tel un dictateur — dirigeait l’autorité palestinienne sans avoir de mandat. Ce dernier n’hésite d’ailleurs pas à tenir des déclarations antisémites et n’oublions pas qu’il a soutenu une thèse de doctorat négationniste [2]L’autre côté : la relation secrète entre le nazisme et le sionisme (الوجه الآخر: العلاقات السرية بين النازية والصهيونية), éd. Maison Ibn Rochd … Continue reading. Dès lors, le processus de paix avec un tel individu semble voué à l’échec puisqu’il ne reconnaît pas Israël et affirme que le nombre de victimes de la Shoah a été gonflé dans le but de créer Israël. Pour un véritable processus, il convient de mettre en place des élections législatives à Gaza et en Cisjordanie afin de renouveler l’exécutif de l’autorité palestinienne comme le fait Israël avec les élections prévues pour avril 2019. Enfin, ils peuvent critiquer une « loi liberticide », mais elle n’empêchera pas de critiquer le gouvernement israélien.
References
↑1 | Coordination nationale de l’UJFP, “Nous sommes juifs et nous sommes antisionistes”, le 19 février 2019, consulté le 24 février 2019, [En ligne], URL : http://www.ujfp.org/spip.php?article6938&fbclid=IwAR3vcc30cgPuwNxY6jWcGEM_wOAa0FobTMXY3ZsdajKahpNpqYeEoAl6f-s |
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↑2 | L’autre côté : la relation secrète entre le nazisme et le sionisme (الوجه الآخر: العلاقات السرية بين النازية والصهيونية), éd. Maison Ibn Rochd de l’édition, Amman, 1984. |