Dis maman, c’est quoi le mariage ?
Eh bien, ma chérie, c’est quand un monsieur et une dame se rencontrent. Ils apprennent à se connaître, se plaisent, tombent amoureux et décident de ne plus se quitter. Tu vois, c’est ça le mariage, la dame aura une magnifique robe de princesse et le monsieur un élégant costume. Ils vont vivre une merveilleuse histoire ensemble et avoir de formidables enfants. Comme papa et moi.
Dans notre beau pays, car il est encore beau quoi qu’on en pense ou raconte, le mariage, pour beaucoup c’est souvent ça. Une image d’Épinal qui a la vie dure et c’est tant mieux. Je mets au défi une femme, quelle qu’elle soit, de me dire qu’elle n’a jamais rêvé au prince charmant. C’est dû à notre éducation (contes de fées et autres fables), à notre histoire chargée de rois, reines et princesses. Alors, que voulez-vous, à un moment ou à un autre, on y croit toutes un peu ! C’est con, mais c’est comme ça. Difficile de remettre en question des siècles de conditionnement.
En France, l’acte est clairement défini dans le Code civil (Titre V : articles 144 à 227). Les trois principaux critères et qualités requis pour pouvoir contracter mariage sont :
- Avoir dix-huit ans révolus (dérogations éventuelles sous conditions) ;
- Le consentement des deux parties ;
- L’impossibilité de contracter un second mariage sans dissolution du premier.
Voilà, c’est franc, c’est net. Le législateur a tranché. Prévaudront la raison, l’envie de l’autre et la monogamie. Plutôt pas mal comme programme, en tout cas, moi, j’adhère. Cependant si les deux derniers critères sont presque toujours respectés, il faut bien reconnaître que le premier l’est moins. En effet, la passion amoureuse nous aveuglant souvent, on a rarement toute sa tête lorsqu’on décide de passer à l’acte, même si nos dix-huit ans sont déjà loin derrière nous…
Mais qu’en est-il dans certains autres pays ?
Tout d’abord un constat, amer, toutes les deux secondes, une fille subit un mariage forcé dans le monde. Oui, vous avez bien lu, TOUTES LES DEUX SECONDES. C’est-à-dire que depuis que vous avez entamé la lecture de ce paragraphe environ 10 fillettes, filles ou jeunes filles ont été unies sans leur consentement, soit 15 millions de mineures par an ! Vu du bout de notre lorgnette, on croit rêver, euh, cauchemarder me semble plus approprié.
Selon un rapport onusien, il y aurait dans le monde plus de 700 millions[1]http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/03/08/01016-20160308ARTFIG00015-dans-le-monde-700-millions-de-femmes-ont-ete-mariees-avant-18-ans.php de femmes mariées de force et plus de 33 % l’auraient été alors qu’elles n’étaient encore que des enfants. Ces chiffres donnés au conditionnel révèlent à quel point il est difficile d’obtenir des statistiques fiables sur cette question, tant les personnes concernées sont muselées par leur entourage. Ce fléau de société est toujours présent dans de nombreux pays, notamment en Afrique subsaharienne et Asie du Sud.
Quelles sont les raisons de ces mariages dits « précoces » ?
Elles sont au nombre de trois : genre, pauvreté et tradition. Ces trois petits mots, inextricablement liés les uns aux autres, conditionnent le destin de millions de femmes, comme quoi on est bien peu de chose ! Tout d’abord la cause principale, la coutume, celle qui entraîne inexorablement les suivantes. L’honneur de la famille, selon la tradition, passe par la virginité féminine. Il est tellement important, aux yeux des parents, qu’appliquant à la lettre l’adage « mieux vaut prévenir que guérir », ils obligent leurs filles à se marier bien avant qu’elles ne soient nubiles. De cette très discutable croyance découle l’inégalité du genre. Dans ces sociétés, les femmes ont un statut inférieur niant leurs droits et leurs capacités à jouer un rôle semblable aux hommes. Ne représentant rien ou presque, à part une marchandise peut-être, elles sont souvent considérées comme une bouche inutile, puisqu’une fois mariées, elles appartiendront à la maisonnée de l’époux. D’où la très grande tentation, en cas de pauvreté de la famille, de se débarrasser de ce fardeau au plus vite, le coût de la dot étant moindre pour les très jeunes filles. Et voilà, la boucle est bouclée et le sort de millions de femmes scellé.
Une lueur d’espoir peut-être ?
- Le 21 novembre 2014, l’ONU a ratifié à l’unanimité, une résolution historique appelant les pays concernés à abolir les mariages forcés. Elle demande aux États l’adoption de lois visant l’interdiction de ces pratiques. Le hic, c’est que, comme le disait si bien Charles de Gaulle, avec « ce machin qu’on appelle l’ONU », rien n’est forcé, mais conseillé…
- Des rebelles médiatiques comme Sonita Alizadé. Son nom ne vous dit rien ? Allez voir sur YouTube son clip Mariées à vendre. Pas besoin de comprendre la langue, les images parlent d’elles-mêmes. Jeune femme afghane de 20 ans, Sonita dénonce par le biais du rap les mariages forcés. Son interview est à lire sur Franceinfo.fr. Sur le même site, vous pourrez également écouter le témoignage de Radha Rani Sarker, jeune femme bangladaise, promise à l’un des amis de son beau-frère. Elle a résisté et trouvé de l’aide auprès d’une ONG. Ou encore Laila, jeune yéménite, qui ose raconter à l’UNICEF ce qu’elle a vécu. Des femmes courageuses. Chapeau bas !
- Les ONG enfin qui, elles, agissent sans fin et sans relâche pour tenter de sauver quelques âmes.
Après ce tour d’horizon, forcément imparfait, si on revenait chez nous ?
Eh bien, chez nous, là, aujourd’hui, 70 000 jeunes filles[2]http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/11/29/01016-20121129ARTFIG00748-encore-trop-de-mariages-forces-en-france.phpsont concernées, chaque année, par la pratique du mariage forcé. Sidérant, non ? Avant la rédaction de cet article, je me doutais que ça existait, je ne suis pas complètement ingénue, mais j’estimais que cela n’allait pas au-delà de 1 000, voire 2 000. Ces chiffres naïfs et fictifs me semblaient déjà tellement énormes… Eh bien, non ! elles sont réellement 70 000 à être mariées contre leur gré et on laisse faire… Je me demande bien pourquoi, on est en France, tout de même !
La morale de tout ça, s’il y en a une ? Rien n’est jamais acquis. Même au pays supposé des droits de l’homme, les traditions[3]fuyez ce mot qui n’est qu’un traître synonyme de domination ont la vie dure. Alors, femmes d’ici, ne nous endormons pas, ne baissons pas la garde, ne lâchons rien ! Soyons vigilantes et construisons un monde meilleur à nos filles, pour que — si elles en ont envie — elles puissent se marier avec la personne de leur choix qui ne se transformera pas en vilain crapaud dès le mariage célébré…
References
↑1 | http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/03/08/01016-20160308ARTFIG00015-dans-le-monde-700-millions-de-femmes-ont-ete-mariees-avant-18-ans.php |
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↑2 | http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/11/29/01016-20121129ARTFIG00748-encore-trop-de-mariages-forces-en-france.php |
↑3 | fuyez ce mot qui n’est qu’un traître synonyme de domination |