[Tribune] Le porc n’est pas forcément là où on aimerait nous le faire croire…
Dans notre société policée, « civilisée », aseptisée et très organisée, tout est fait pour que l’on consomme sans trop se poser de questions. Certaines choses nous sont cachées, pourquoi ? Moi, qui suis bien terre-à-terre, je me dis que si je dissimule quelque chose c’est que je n’en suis pas très fière ; alors je réfléchis et en déduis que pour les autres ça doit être pareil… En France, 95 % des cochons sont élevés, planqués dans des « fermes » industrielles, élevages intensifs où chaque seconde de leur très courte vie est analysée, décortiquée afin d’en tirer le meilleur profit. Et là, où ce vilain mot — profit — fait son apparition, il y a forcément exploitation, donc maltraitance…
Une mort révélatrice de notre inhumanité
Miam-miam, c’est bon le cochon. Et vous pouvez vous lâcher, parce que ces suidés roses, communs à nos élevages, ont un traitement de faveur lorsqu’ils sont à l’abattoir. Avant leur mise à mort, ils ont le « choix » entre l’électrocution ou l’endormissement[1]Voir Midi Libre et L’Écho Républicain du 13/12/2016, Ouest France et France Info du 17/02/2017… . Oh, quel joli mot ! On se croirait dans La Belle au bois dormant. Sauf qu’en fait d’assoupissement, il s’agit d’une lente et effroyable asphyxie…
Les enfants cochons sont number one des ventes de viande. Donc, quand ils sont dans le couloir de la mort, pas question de bayer aux corneilles, il faut que la petite troupe avance ! Comme ils sont jeunes — quatre ou cinq mois —, dynamiques, pleins de vie, voire un peu incontrôlables, comme des gosses quoi, pour leur éviter qu’ils stressent et s’énervent dans une file d’attente interminable — un peu comme nous au supermarché —, un gars (ou une fille, qui sait ?) ingénieux, sympa et vachement sensible au « bien-être » animal, peut-être un·e ingénieur·e[2]Ingénieur·e : personne mettant au point des outils qu’il·elle ne testera ni n’utilisera jamais., a imaginé le stratagème suivant : ils sont entassés à trois, quatre, cinq dans une cage ovale et descendus dans une fosse à CO2 — gaz carbonique. À ce moment-là, la machiavélique machine se met à tourner sur elle-même pour que les bébés cochons s’emplissent harmonieusement les poumons des émanations mortifères. Terrorisés, les yeux exorbités — comme le loup de Tex Avery, sauf que là, c’est pas du cinoche —, ils ressemblent alors aux billes du loto, mais en beaucoup plus gros. Leur souffrance est horrible à voir et leurs cris de détresse insoutenables. Mais là où le joli mot choisi par les agroindustriels est juste, c’est qu’on ne va pas jusqu’au bout du processus, parce qu’un cochon ça se saigne et pour ça, il faut qu’il soit encore vivant, mais moins remuant…
Un « bien-être » au plus près de la maltraitance
Mais revenons en arrière. Il n’y a quand même pas que la mort dans l’existence d’un cochon. Non, alors là, je vous rassure tout de suite. Il a une vie, une vraie vie… de merde.
Il est né dans un hangar aux murs et sol gris et nus. Un endroit très bruyant qu’il partageait avec des centaines de copains. Lui et ses frères et sœurs sont dans une espèce d’enclos sur caillebotis et ont accès à leur mère, qui ne peut pas bouger, car sa cage est pile-poil à sa taille. Elle peut juste se lever et se recoucher, il lui est impossible de faire un pas, des fois qu’elle se fatigue[3]Les éleveurs nous disent que c’est parce qu’autrement elle tuerait ses petits en les écrasant, ce qui est vrai, sauf que si on lui donnait de l’espace et la possibilité de faire un … Continue reading…
À quelques jours à peine, et toujours dans un souci de « bien-être », leurs jolies petites quenottes sont meulées ou rognées — grosso modo ce que subit Dustin Hoffman dans le film Marathon man de John Schlesinger sorti en 1976, sauf que là, c’est du cinoche —, l’appréciation de la méthode à utiliser étant laissée à la « bienveillance » de leur éleveur.
Comme ils sont pas mal à l’étroit, nos petits, et un chouia oisifs — y a pas grand-chose à faire dans un hangar gris et borgne, et faut bien passer le temps ! —, ils risqueraient en plus de se bouffer leur chtiote queue tirbouchonnée toute rigolote. Alors on a pensé que c’était mieux pour eux si on la leur raccourcissait et, vu que ce sont des costauds et pas des demi-portions, comme nous autres animaux de l’espèce humaine, on fait tout ça à vif — rognage ou meulage et coupe caudale —, sans anesthésie. Je peux vous garantir que s’ils foutaient un peu le bordel dans l’enclos, ils sont calmés pour un petit moment après. Ça, c’est pour tout le monde, mais les gars ont droit à un traitement de faveur. Dans la foulée, on les castre, toujours à vif, les testicules pouvant donner un léger goût à leur viande…

Bien entendu, pour leur « bien-être » ils seront sevrés à 21 jours alors qu’ils devraient l’être à l’âge où ils partent pour l’abattoir… Et comme les éleveurs les chérissent et en prennent soin, ils seront supplémentés aux antibiotiques — 37 % de la consommation vétérinaire rien qu’à eux ! Si ce n’est pas de la prévenance, de la sollicitude et de l’affection tout ça, je ne m’y connais pas !
Ensuite, pour les chanceux qui auront survécu et toujours dans un souci de « bien-être » animal, je ne trouve pas d’autre explication, ils font un petit tour en camion et aperçoivent enfin le soleil. Les balades peuvent durer de nombreuses heures, voire plusieurs jours. Et ça, quoiqu’il existe un abattoir tout près. Contrats européens obligent. Même sous prétexte de « bien-être » animal on ne peut y déroger… Nos gentils cochons bretons vont donc faire des centaines de kilomètres pour rallier l’Allemagne, serrés comme des sardines, sans eau, sans nourriture et dans leurs déjections. Euh, ça me fait tout bizarre, j’ai presque l’impression de réécrire une triste page de notre histoire…
Quand ils arriveront, certains seront déjà morts, d’autres en extrême souffrance et plusieurs auront même des membres brisés. Cet unique voyage provoquant une immense angoisse, ils seront déchargés et parqués afin qu’ils s’apaisent, parfois jusqu’au lendemain, toujours sans eau, je suppose. Au fait, les responsables des abattoirs, le mal-être des cochons, ils s’en moquent comme de leur première chaussette, c’est juste qu’il paraît que les hormones du stress ça gâte la viande …
La mort plutôt que cette vie-là
Lorsque le soleil se lèvera sur le dernier jour de leur infiniment triste vie, je suppose qu’ils seront presque heureux de prendre leur place dans la file qui les mènera soit à l’électrocution, soit à l’asphyxie… Après tout, s’il faut en passer par là pour enfin cesser de souffrir… Et pour les récalcitrants, ceux qui regimbent ou les naïfs, ceux qui y croient encore, tout est prévu. L’espèce « humaine » étant redoutable lorsqu’il s’agit d’organisation et de planification, des sortes de kapos — faut bien gagner sa vie… alors que des millions d’autres l’y perdent, quelle ironie ! —, armés d’aiguillons électriques et de matraques sont là pour les remettre dans le droit chemin. On ne va tout de même pas se laisser emmerder par des cochons !
Vous trouvez mon exposé violent ? Renseignez-vous, le web est là pour ça, et allez voir les images sur le site de L214. On en reparlera.
J’ai pris l’exemple des cochons, mais sachez qu’ils n’ont rien à envier aux autres animaux de consommation. Tous ont des vies pitoyables.
Ah, et le bio dans tout ça ? Ne vous y trompez pas, ce n’est pas parce qu’un élevage est étiqueté bio que les pensionnaires y sont mieux traités et que leur mort est plus douce. Le nourrissage y est peut-être légèrement moins épouvantable, tout comme la concentration et la médication. Mais c’est tout. Ne soyez pas naïfs, le lobby agroalimentaire ayant flairé la pompe à fric, il y a belle lurette que le bio des origines est tombé aux oubliettes. À tel point que l’Union européenne a déjà assoupli plusieurs fois les normes sanitaires, pesticides et insecticides qui étaient supposées nous rendre confiance en l’agriculture…
J’ai toujours aimé les animaux. Pendant longtemps, une éternité même, j’ai été spéciste. C’est-à-dire que je considérais que la vie d’un chien, d’un chat, d’un renard, d’un tigre, d’une girafe, voire d’une araignée — puisque je ne les tuais pas — avait plus de valeur que celle d’enfants tels qu’un agneau, un veau, un porcelet, un poulet, un cabri, un lapereau ou encore celle d’une truite, d’une moule, d’un homard… Eh oui ! quasi tous les animaux élevés pour terminer dans nos assiettes meurent alors qu’ils ne sont que des BÉBÉS.
Pendant longtemps, une éternité même, j’ai été complice. Un peu comme « à l’insu de mon plein gré ». Je m’explique, je ne suis pas complètement gourde, je savais que je mangeais de la chair animale — plus exactement du cadavre, comme un charognard —, j’étais parfaitement consciente que je portais des chaussures, une veste en cuir, parfois de la fourrure de lapin, un vêtement en peau retournée de mouton, un gilet en laine, un foulard de soie… Je n’étais pas à l’aise, mais, naïvement, j’imaginais, entretenue en cela par le discours mystificateur des agroindustriels et leur imagerie d’Épinal — vous savez celle où l’on nous montre les vaches dans les prés avec leur petit, un agneau dans les bras caressants et « aimants » de l’éleveur qui vante son fromage, etc. —, que ces animaux avaient eu une vie, certes courte, mais une vie sans trop de souffrances. Et je dois reconnaître que je ne cherchais pas à savoir, le discours enjôleur des grandes marques du secteur alimentaire, sans cesse et — ô combien ! — habilement martelé par le biais de publicités fallacieuses, me convenait parfaitement…
Mes excuses ? AUCUNE ! J’ai fait l’autruche, enfoui la tête dans le sable, j’ai préféré penser que tout allait bien et j’ai continué à faire semblant… pour faire comme tout le monde. La solution de facilité, quoi ! Assez pitoyable, je dois l’admettre. Heureusement, Earthlings, L214 et Peta m’ont remis les neurones en place et ouvert les yeux. Puis j’ai lu Voir son steak comme un animal mort de Martin Gibert, Faut-il manger les animaux ? de Jonathan Safran Foer — courez l’acheter —, La libération animale de Peter Singer et Désobéir pour les animaux par Les Désobéissants.
Chez moi, depuis le réveil de cette chose que l’on appelle conscience, je ne peux plus agir comme si je ne savais pas. Même s’il m’arrive souvent de faire des cauchemars, je préfère être au fait et pouvoir adapter mon comportement en toute connaissance de cause. Je ne consomme plus d’animal, que ce soit pour mon alimentation, pour mon hygiène, pour la mode, pour le tourisme… Je n’en veux plus, ça ne m’intéresse plus, je dirais même plus, ça me révulse. Je ne reviendrai jamais en arrière.
Comme moi, de plus en plus d’« humain·e·s » refusent cette société qui dissimule, ment, triche pour le profit sans aucune éthique. Des voix s’élèvent contre cette barbarie organisée — voir les nombreux·euses YouTubeur·euse·s qui se sont emparé·e·s du sujet, documenté·e·s et informent sans barber. Un mouvement est en marche. Des personnalités politiques, scientifiques, culturelles, ne craignent plus d’être moquées et assument leur empathie pour les autres espèces animales.
Quelles que soient les « solutions » apportées par les agroindustriels au traitement calamiteux de nos alter ego, c’est trop tard. Ils n’ont pas compris, anticipé qu’Internet participerait à leur déclin. La cause est juste, éthique. Elle va dans le bon sens, celui de l’Histoire avec un grand H. Partout dans le monde, si les enfants voyaient l’être vivant à l’abattoir, si on leur laissait la possibilité de faire le lien entre le morceau de viande et l’agneau au pré, de s’exprimer, si on les respectait, la consommation de chair animale chuterait de façon vertigineuse — pour rappel, nous tuons, vous et moi CHAQUE ANNÉE, non asseyez-vous avant que je vous assomme, ça y est, vous êtes bien installés ? bien, NOUS ASSASSINONS donc 1 000 MILLIARDS D’ÊTRES SENTIENTS INNOCENTS MARINS ET TERRESTRES. 1 000 milliards (et encore, c’est la fourchette basse), ça fait 2,7 milliards par jour, 114 millions à l’heure, 1,9 million à la minute et 32 000 animaux à la seconde et, tous ceux qui se taisent et continuent à consommer, collaborent à ce massacre, ce perpétuel génocide.
Quant à nous, les animaux « humains », qui avons eu l’heur de devenir adultes, le très prégnant et long endoctrinement sociétal, la peur du ridicule et le manque de courage se révèlent encore trop souvent de véritables freins. En ce qui me concerne, mon choix est fait ; j’assume de faire sourire, supporte les quolibets des personnes que je mets face à leurs contradictions et suis heureuse d’épargner, le temps qu’il me reste à vivre, quelques précieuses vies. Je ne pourrais plus me regarder en face si j’agissais autrement…
References
↑1 | Voir Midi Libre et L’Écho Républicain du 13/12/2016, Ouest France et France Info du 17/02/2017… |
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↑2 | Ingénieur·e : personne mettant au point des outils qu’il·elle ne testera ni n’utilisera jamais. |
↑3 | Les éleveurs nous disent que c’est parce qu’autrement elle tuerait ses petits en les écrasant, ce qui est vrai, sauf que si on lui donnait de l’espace et la possibilité de faire un « nid », jamais un de ses bébés n’aurait à mourir de la proximité de sa mère. Les rares truies élevées à l’air libre et disposant d’un espace suffisant ne tuent pas leurs enfants par inadvertance, c’est le confinement, la surpopulation qui conduit à ces drames. |