Gilets jaunes | Quels débouchés après l’acte XIII ?
L’acte XIII des Gilets Jaunes a commencé. Il s’agit de s’interroger sur la perspective d’un tel mouvement. La manifestation parisienne n’a pas été déclarée par les Gilets jaunes qui souhaitent revenir à la genèse des premiers actes. En effet, ces derniers considèrent qu’il y aura une déclaration préalable ou pas, la situation reste la même. La répression continue et s’intensifie. Autant dire que le dialogue que les Gilets jaunes avaient entamé avec la préfecture de police est resté lettre morte. On ne peut pas faire confiance au pouvoir exécutif, dont la mission n’est pas de faire régner l’ordre public, mais plutôt l’ordre politique : celui de la bourgeoisie et de la classe dominante.
Après une dernière mobilisation en l’honneur des victimes de la répression policière, cette semaine, le mouvement semble s’orienter vers l’antifascisme. En effet, les blacks blocs seront de sortie pour chasser — par tous les moyens — les différents fascistes des manifestations. Ils inquiètent le pouvoir politique en place par leurs actions assez radicales, mais aussi par leur stratégie de combat à l’encontre du capitalisme. Ils sont la démonstration que la lutte des classes est violente et que cette violence s’exprime de toutes les façons. Le gouvernement a essayé de dissuader ces militants d’extrême gauche de parader dans la Capitale, pourtant les blacks blocs ne sont qu’une stratégie d’action et ne forment pas un groupe prédéterminé. Ils sont furtifs, cagoulés et avancent en bloc. Ce sont les commandos du XXIe siècle. Leur but est de démontrer que la violence du capitalisme et de la pousser dans ses retranchements. Ils participent aussi à la politisation du mouvement des Gilets jaunes, notamment dans le cadre antifasciste.
Les nébuleuses d’extrême droite sont prêtes à croquer à pleines dents le mouvement des Gilets jaunes pour récupérer des voix aux élections européennes. Florian Philippot, membre du parti Les Patriotes, a déposé la marque Gilets jaunes à l’INPI pour tenter de représenter l’ensemble du mouvement. Mais cette diversion n’a pas fonctionné. Au contraire, au lieu de se positionner dans une case prédéfinie, le mouvement des Gilets jaunes semble ouvert à tous, ce qui n’est pas le cas des foulards rouges soutenant jusqu’au bout les politiques néolibérales d’Emmanuel Macron.
La question du vote pour les élections européennes se rapproche doucement, si le mouvement souhaite conserver son apolitisme, il est quand même à noter qu’une partie de ses revendications sociales le positionne près de la gauche assez classique. Les listes des Gilets jaunes risquent de faire un flop. La convergence des luttes doit se faire aussi par les syndicats révolutionnaires. En effet, ces derniers n’hésitent pas à manifester avec les Gilets jaunes. Face aux « contre-réformes » violentes qui attendent les travailleurs comme celles des « retraites par points », de « l’indemnité chômage » ou de « la fonction publique », il faut un mouvement de masse faisant fi des différends qu’il peut avoir en son sein. Il s’agit finalement de s’opposer au projet que souhaite mettre en place le président de la République. La question du pouvoir d’achat semble primordiale. Si le gouvernement a débloqué près de 10 Mds d’euros pour les classes populaires comme moyen de relance de l’économie, il n’a pas voulu augmenter les salaires de peur de se mettre à dos le patronat. Pourtant, une relance de l’économie par la demande permettrait de dynamiser l’économie et de remplir les carnets de commandes, tout comme une relance des investissements public et privé favoriserait l’équilibre budgétaire des caisses de retraite, de l’assurance-chômage ou encore de la sécurité sociale.
Ceux qui prédisaient que le mouvement s’essoufflerait avec la création du Grand débat national d’Emmanuel Macron se sont trompés. En effet, le mouvement perdure et a créé son propre débat sur la plateforme Le Vrai Débat. Ironiquement, il s’agit de la même société qui a construit le site du Grand débat national qui a créé la plateforme des Gilets jaunes. Le mouvement se transforme, se structure et contre-attaque. Autant dans la rue que dans le débat des idées, on peut constater que progressivement le mouvement commence à acquérir une certaine maturité. S’il existe des leaders, la parole revient à la base. Il « faut libérer la parole » comme disent les politiciens. C’est exactement ce que font les Gilets jaunes, mais avec leurs propres outils. Nous assistons progressivement à une certaine forme d’autogestion du mouvement.
Toutefois, il serait faux de parler que le mouvement se transforme vers un mouvement anarchisant. Il reprend simplement la structure des partis politiques et des organisations syndicales avec un fédéralisme par le bas et une assemblée des assemblées que l’on pourrait voir comme l’Assemblée législative du mouvement des Gilets jaunes. Toutefois, pour que le mouvement des Gilets jaunes se démocratise, il semble nécessaire que cette assemblée nomme des porte-parole loin des porte-parole autoproclamés que nous connaissons actuellement.
Finalement, la question que l’on peut se poser est jusqu’où va aller le mouvement des Gilets jaunes. Les actes se poursuivent les uns à la suite des autres. Il s’agit de faire plier le gouvernement sur des revendications simples, mais dont les conséquences ne peuvent être que positives. En face, le gouvernement ne semble pas près de lâcher son dogmatisme. Alors que des pays comme le Portugal, l’Espagne et la Grèce ont relevé le salaire minimum pour relancer l’activité, la France reste à la traîne enfoncée par un gouvernement sectaire ne croyant qu’en « la main invisible ». Les résultats de ces politiques se font attendre et ne produiront que des résultats décevants. Il est évident qu’en cas d’échec du gouvernement pour baisser le taux de chômage et augmenter le pouvoir d’achat (salaires et aides sociales), la menace de l’extrême-droite et du national-populisme attend impatiemment au tournant de l’échec du gouvernement en affirmant que « vous voyez le néolibéralisme et la mondialisation sauvage ne fonctionnent pas ». Les régimes illibéraux se construisent sur les échecs des régimes libéraux.