Que faire des djihadistes français qui ont combattu en Syrie ?
Un avion américain a rapatrié une centaine de djihadistes français depuis la Syrie. La polémique gonfle. Si ces derniers seront incarcérés à leur arrivée sur le sol français, la problématique du retour des djihadistes pose la question de la comparution de ces derniers devant la justice. Les Kurdes de Syrie demandent la création d’un Tribunal pénal international pour juger ces hommes et ces femmes pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou génocide.
Les Kurdes — abandonnés par les différents régimes — ont quand même remporté des victoires contre Daesh qui se sont traduites par la capture de nombreux djihadistes — et de leurs femmes et enfants — aux nationalités multiples. L’Organisation des Nations unies peine à trouver une solution pérenne à ce problème. Pourtant, ces djihadistes ont commis des crimes d’une horreur absolue afin de créer, soutenir et sauvegarder le Califat. Si, à l’heure actuelle, ces djihadistes sont bien empêchés de nuire, les Kurdes ne savent pas quoi en faire… En effet, la région du Rojava est certes autogérée par les Kurdes eux-mêmes, mais elle n’est pas reconnue comme un état. La Fédération de la Syrie du Nord fonctionne pourtant comme un état autonome. Ainsi, la compétence à juger du système judiciaire du Rojava se trouve confrontée à la défiance du légalisme international. Faut-il alors renvoyer les djihadistes dans leurs pays primitifs ? C’est la solution qui, pour l’instant, a été retenue : rapatrier les djihadistes dans leurs états d’origine. Pourtant, personne n’en veut de ces djihadistes. Une décision, de ce fait, difficile à mettre en œuvre.
La France, avec l’accord des États-Unis d’Amérique, a choisi de faire revenir ses djihadistes. Les Français, dans leur ensemble, ne semblent pas d’accord avec cette solution. Ils ont certainement raison, mais les djihadistes sont déjà arrivés sur le sol français. Comme écrit plus haut, ils sont incarcérés. Mais après cela que se passera-t-il ? En effet, la radicalisation dans les prisons soulève d’autres questions. Il existe un lien bien établi entre le grand banditisme et le terrorisme. Les djihadistes dans les prisons pourraient faire du prosélytisme et cela inquiète avec juste raison. Cela pourrait également conduire à l’autoradicalisation des djihadistes. En effet, ces derniers risquent de s’enfoncer un peu plus dans l’idéologie totalitaire dans laquelle ils baignent déjà. On l’a constaté avec le cas de Salah Abdeslam. Bien sûr, il est hors de question de le libérer, d’autant qu’il risque d’être condamné à la prison à perpétuité, ce qui serait amplement mérité. « Les Revenants », héros éponymes du livre de David Thomson, risquent de créer de nouveaux attentats au nom du « Califat ». Dans son essai qualifié de document terrifiant, l’auteur reconnaît qu’il n’est pas certain de la sincérité de ces fameux « djihadistes repentis ». Mais le problème n’est pas tant les djihadistes identifiés et incarcérés que ceux qui rentrent clandestinement et se dissimulent parmi la foule.
Mais pourquoi les discussions avec les alliés n’aboutissent-elles pas à la création d’un Tribunal pénal international comme cela a été le cas pour le génocide rwandais, le massacre de Srebrenica, ou encore pour les Khmers rouges ? Pourtant, cela résoudrait l’ensemble des questions et les djihadistes pourraient être jugés par le tribunal de La Haye par exemple. Cela permettrait aussi de faire la lumière sur l’organisation du Califat, les ordres, la hiérarchie, les responsabilités de chacun dans les différents massacres, dont le génocide yézidi. On peut soutenir l’hypothèse que la Turquie a joué un rôle en tant que base arrière pour les troupes de Daesh, mais il nous faut rester prudents, car elle est aussi un allié de l’OTAN, donc a priori de la France et des États-Unis d’Amérique. Il est évident que la situation politique turque et le renforcement de l’islam politique crée un problème d’envergure géopolitique. En effet, la Turquie soutient les djihadistes comme cela a été le cas lors de l’invasion de la Syrie, notamment dans la ville d’Afrin qui est contrôlée par les milices turques et les djihadistes qui en ont changé le drapeau. L’impérialisme turc rêve de conquérir une partie du territoire syrien. Dernièrement, Erdogan a menacé d’envahir la région du Rojava. On peut penser qu’il s’agissait de venir au secours des djihadistes emprisonnés par la coalition du Rojava. La Turquie doit cependant choisir entre soutenir la création d’un Tribunal pénal international et ses tentations impérialistes, il en va de la solidité de la coalition des alliés.
Le dernier attentat à Strasbourg démontre également que le système judiciaire ne peut pas déjouer tous les attentats. Il y aura forcément d’autres attentats, nous devons nous y préparer et nous y habituer sans sombrer dans le défaitisme et la peur. La lutte contre Daesh sera longue, le facteur temps étant notre meilleur allié. Cela engendrera sans aucun doute une culture sécuritaire affirmant que le « sécuritarisme » ambiant ne va pas assez loin. C’est pourquoi chaque nouvelle loi sécuritaire est et sera toujours plus rigoureuse que la précédente, mais ne suffit pas pour autant à endiguer le phénomène du djihadisme. La solution est ailleurs, elle passe, entre autres, par la sociologie et la propagande antijihadiste.