« Un éternel Treblinka » de Charles Patterson : Point Godwin ou critique profonde de la condition animale ?
Charles Patterson écrivait en 2003 le livre « Un éternel Treblinka ». Le compte Instagram du collectif « Boucherie Abolition » diffusait une photo du livre avec une patte d’un volatile le 27 janvier dernier. Il s’agissait d’une occasion de dérouler les arguments des antispécistes.
Le livre « Un éternel Treblinka » fait référence au camp d’extermination éponyme utilisé par les nazis entre 1941 et 1943. Ce camp était situé à quatre-vingts kilomètres au nord-est de Varsovie. Au départ, on pourrait penser que l’auteur cherche volontairement le point Godwin en faisant référence aussi crûment à la Shoah. En effet, le point Godwin est une technique souvent utilisée par les personnes qui n’ont pas ou plus d’arguments solides ou valables à opposer à leurs détracteurs. De nombreux militants des droits des animaux utilisent en effet le lexique de la Shoah : camp de concentration, camp d’extermination, eugénisme, etc. Cela peut choquer au premier abord. Pourtant, à bien y réfléchir, ce que les militants expriment par « zoocide » (génocide des animaux), ou l’extermination des animaux, ne peut-être considéré comme un génocide classique. En effet, il ne s’agit pas pour les éleveurs de vouloir réduire à néant certaines espèces ou races d’animaux comme ce qui s’est passé avec les différents génocides humains répertoriés que cela soit le génocide indien, arménien, juif ou encore tutsi, mais plutôt de faire naître, d’élever et de tuer certains animaux sans fin, dans un éternel recommencement, comme le souligne si bien le titre du livre de Charles Patterson. Un éternel génocide…
Il y a une volonté d’élever des animaux pour qu’ils deviennent des objets de production que cela soit la viande, le lait ou encore les œufs. Les animaux sont considérés comme des objets de production pour générer des profits pour les capitalistes. En effet, la chosification de l’animal pose de nombreuses questions en matière d’éthique. Durant l’antiquité, le bétail était considéré comme une monnaie d’échange. Rosa Luxembourg termine le chapitre « La production marchande » dans son livre Introduction à l’économie politique ainsi :
On fait des poèmes en l’honneur du bétail et de sa puissance merveilleuse, on commet des crimes et des assassinats à cause de lui. Les hommes répètent en secouant la tête : «Le bétail régit le monde. » Si ce proverbe vous est inconnu, traduisez-le en latin ; le vieux mot romain « pecunia » signifie « argent » qui lui-même dérive de « pecus » = « bétail ».
Charles Patterson exprime que la domination de l’être sur les animaux a permis de créer un « zoo-différencialisme ». L’homme est devenu l’être humain le plus fort se situant au-dessus de la chaîne alimentaire. Manger des produits des animaux vient à considérer que les animaux sont inférieurs à l’être humain, mais aussi que les animaux sont considérés comme une propriété privée de l’être humain. Les animaux ont perdu tous leurs droits qu’ils avaient dans la nature où ces derniers étaient libres. La domestication a laissé entrer une certaine barbarie dans notre mode de vie sans que cela ne choque beaucoup de monde.
L’auteur s’inspire du « véganisme noir». Autrement dit, les pratiques contre les animaux ont justifié le traitement infligé à différents groupes humains que l’on parle d’esclavage, de massacres de masse, ou encore du machisme conduisant à la soumission des femmes. Depuis l’antiquité, les animaux comme les femmes sont considérés comme inférieurs aux mâles. Cela produit une catastrophe puisque cela aboutit à près de 200 meurtres de femmes par leur conjoint chaque année en France sans compter les suicides.
Ensuite, Charles Patterson pose la question de l'anticapitalisme dans le cadre de l'exploitation des hommes, mas aussi des animaux. Le véganisme qui en résulte ne peut-être compatible avec le capitalisme et dans le mode actuel : le néolibéralisme. En effet, le fordisme et la division du travail à la chaîne sont nés dans les abattoirs de Chicago. Les sociologues et les économistes n'ont pas voulu prendre en compte l'inspiration d'Henri Ford des techniques qui avaient lieu dans les abattoirs dans les années 1900 à 1920 sûrement à cause de l'ambiance de mort qui y régnait.
Pour conclure, la mondialisation dans le cadre de l'élevage et de la transformation des animaux en viande soulève de nombreuses questions. En effet, les lieux d'élevage, d'abattage, de découpe sont différents. Le transport est souvent réalisé par la route dans des camions inadaptés au « bien-être » des bêtes qui génèrent un effet de serre important ainsi qu'une empreinte carbone toujours plus grande et tout cela sans tenir compte du méthane que rejettent les animaux qu'ils soient élevés en plein air, dans des enclos ou dans des hangars.
Le lecteur ne sera pas déçu, mais il doit être accroché à son siège, il s'agit d'un livre très dur à encaisser.