Qu’est-ce qui se cache derrière le «Parti Médiatique» ?
Jean-Luc Mélenchon et les membres de la France Insoumise utilisent fréquemment le «Parti Médiatique» comme expression pour désigner un ensemble de journalistes, de médias ou de journaux alignés sur la position économique dominante.
Les journalistes font partie du «quatrième pouvoir». Son invisibilité reste à mesurer à travers de nombreux critères, mais sa défense vis-à-vis des attaques de l’extérieur participe à différents degrés sur la démocratisation d’un pays. Le concept de démocratie peut-être très large : le parlementarisme, le présidentialisme ; le monocaméral, le bicaméral ; unitaire ou encore fédéral voir confédéral. Défendre le journalisme reste tout à fait compatible avec les critiques que l’on peut réaliser vis-à-vis des articles des différents journalistes. Il s’agit d’une liberté fondamentale qui s’inscrit dans le cadre du «droit de la presse» issu en autres de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen avec son article XI qui affirme que «la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi».
Il convient de noter que les journalistes restent des salariés ou des travailleurs indépendants comme les autres, ils ne décident pas de la ligne éditoriale des journaux, magazines ou émissions de télévision. À ce moment-là, interviennent les différents actionnaires ou les propriétaires des médias en question. Ces derniers par la capacité à investir ou de désinvestir tiennent l’ensemble de la presse par la gorge. Ainsi, il convient de différencier fondamentalement les éditorialistes, des chefs de rédaction aux journalistes. D’ailleurs, il ne semble guère rare que ces derniers exercent un chantage sur certains articles.
Concernant la campagne d’Emmanuel Macron, on se rend compte que les lignes éditoriales se sont alignées avec les lignes politiques des différents organes pour défendre une candidature d’apparence neuve, presque apolitique et surtout se présentant comme une personne dépassant les clivages de la gauche et la droite. [[Le slogan «et droite, et gauche» fait référence au corpus idéologique l’extrême-droite avec son slogan «ni de droite, ni de gauche»]]. Cela permet à Emmanuel Macron de se situer au-dessus des partis politiques. Ainsi, en semant la zizanie à gauche, notamment avec le Parti Socialiste ou du moins ce qu’il en reste, et à droite chez Les Républicains, il permet de mettre en place une application de mesures très rétrogrades, tout en bénéficiant des journaux ayant une ligne libérale, néo-conservatrices ou appartenant en autre au courant de la «Nouvelle Droite».
L’affaire Fillon a coulé le candidat homologué par «la primaire de la droite et du centre». Une primaire s’apparente comme la tentation de trouver «un leadership» au sein d’un parti politique ou d’une alliance de partis politiques. Mais l’obsession de François Fillon dans le scandale de l’emploi fictif de sa femme lui a fait perdre : la crédibilité et la Présidence de le République. En refusant de laissant Alain Juppé prendre la présidentielle, le parti «Les Républicains» ne pouvait que se noyer dans un flot des deux élections.
Et cet ensemble a favorisé Emmanuel Macron. À coup de renfort des journalistes y voyant une nouvelle génération plus jeune pour la présidence de la République, mais aussi entièrement compatible avec le programme de François Fillon. D’ailleurs, une grande partie des «Juppéistes» se sont transformés en «Macronistes».
La presse possède la faculté de bousculer la vie politique. Son rôle concerne le décryptage des faits avec à travers des chroniques et des articles d’investigation. La vie démocratique dépend en particulier de la presse, puisque sa classification selon «Reporter Sans Frontière» (RSF) permet de notifier le niveau de démocratie d’un pays. En effet, plus la presse est libre et protéger des différentes attaques, plus la démocratie est avancée. La France se situe actuellement à la 39ème place sur 180 d’après RSF en 2017, alors qu’elle était 45ème en 2016. Ces résultats restent particulièrement mauvais pour un pays qui se réclame de «la patrie des droits de l’Homme». Des efforts sont à faire au niveau de la liberté de la presse de la part d’Emmanuel Macron, notamment sur le rapport entre journalistes et les forces de l’ordre. On l’a d’ailleurs constaté durant le mouvement d’opposition à la «Loi El-Khomri», où les journalistes étaient visés par les forces anti-émeutes comme un chasseur tire sur son gibier. La situation était tellement tendue que des observateurs d’Amnesty International ont été dépêchés sur place pour surveiller la bien-tenue des manifestations, mais surtout faire le constat d’une violence étatique contre les journalistes et les manifestants sans précédent.
Alors, l’utilisation de l’expression du «Parti Médiatique» sonne particulièrement faux. Dans une note du blog de Jean-Luc Mélenchon, celui-ci décrira que «lui seul mène bataille sur le terrain, en inoculant chaque jour la drogue dans les cerveaux. […] d’ailleurs, le but du parti médiatique est de détruire tous les autres « émetteurs » de pensée : parti, syndicat, autorité morale de quelque nature qu’elle soit» [[Jean-Luc Mélenchon, «Le coup monté du «service public» contre la «France Insoumise»», le 26 février 2018, [en ligne] | URL : https://melenchon.fr/2018/02/26/le-coup-monte-du-service-public-contre-la-france-insoumise/]] ou encore qu’il «a été occulté à double tour par le cadenas du parti médiatique et l’aveuglement des dirigeants. Quand Juncker dit « il n’y a pas de démocratie possible hors des traités européens », il dit qu’il n’y a pas de démocratie du tout» [[Jean-Luc Mélenchon, «Crises politiques et révolution citoyenne», le 6 mars 2018, [en ligne] | URL : https://melenchon.fr/2018/03/06/crises-politiques-et-revolution-citoyenne/]].
La métaphore utilisée par «les mélenchonistes» dans sa figure de style soulève de nombreuses questions en terme de style comme de métaphore. D’abord, les médias ont une ligne très diversifiée, mais une partie adapte une ligne néolibérale, en conséquence rejoignent progressivement la ligne mise d’Emmanuel Macron en espérant que celui-ci se radicalisera et ira plus loin que son projet initial. Le «Parti Médiatique» n’existe pas sur le papier, puisque cela met tous les journalistes sur la même longueur d’onde. La pluralité des médias existe, quand bien même cette dernière peut paraître faible. Les lignes entre l’Humanité et le Figaro diffèrent fondamentalement tout comme Valeurs Actuelles et Politis.
Le talentueux orateur que représente Adrien Quatennens a beau tenté d’expliquer l’expression sur le fond que la quasi-totalité des médias sont détenus par des milliardaires de près comme de loin, l’explication reste plus ou moins tordue : «Nous avons un problème avec le parti Médiatique […] il y aujourd’hui, si vous prenez toutes la presse écrite, la presse audiovisuelle et que vous tirez le fil des organigrammes, vous savez sans doute, vous tombez sur neuf personnes, neuf milliardaires y compris des gens qui investissent dans la presse et qui perdent de l’argent. Par conséquent, je m’interroge. Si le bénéfice n’est pas financier ou pécuniair c’est bien sans aucun doute qu’il y a un bénéfice idéologique à en tirer» [[Adrien Quatennens puis Eric Ciotti sont les invités de “BFM Politique”, BFMTV, [En Ligne] | URL : https://www.youtube.com/watch?v=Qk_zsQ5CFDg]].
Une chose est certaine : l’ensemble des éditorialistes possèdent le même son de cloche vis-à-vis des politiques : libéralisation et austérité. Il n’existe pas de «Parti Médiatique». Cette fixation peut à certains égards être vu comme une théorie du complot, mais que la quasi-totalité des médias appartiennent à la classe dominante, ce n’est pas une nouveauté, c’est totalement factuel.
Enfin, n’oublions pas qu’une grande partie des journalistes vit dans la précarité et la misère. Une prise de parole que l’utilisation de l’expression ci-dessus devient clairement insultant pour les journalistes peu payés.