L’impossible libéralisation du rail

Le rapport Spinetta a été déposé sur la table du premier ministre pour ouvrir la concurrence et mettre la fin du monopole de la SNCF. L’ouverture du rail aux compagnies privées pour libéraliser le rail débouche sur une impossible libéralisation.
Les libéraux souhaitent mettre fin au monopole de l’état sur les lignes commerciales de la SNCF. On les entend sur le fait qu’il faut «dégraisser le mastodonte» du fait d’une dette située à 46 Mds d’euros. Les avantages du statut des cheminots sont régulièrement mis en évidence pour affirmer qu’ils possèdent des «privilèges» d’un autre temps. Les fantasmes de la fameuse «prime charbon» ressortent régulièrement sur les plateaux télévisés, dans les journaux ou par des personnes dans la rue pour faire du «SNCF bashing». La fin du monopole public ouvrirait la voie à la concurrence et à la privatisation.
Dans de nombreux pays, il n’existe pas de concurrence sur les différentes lignes que cela soit au Royaume-Uni ou chez nos voisins allemands. L’ouverture des lignes vers le privé ne signifie en aucun cas l’ouverture à la concurrence. Cette vision de la privatisation des lignes et de la logique de la concurrence ne semble guère soucier les différents libéraux. Or, ce sont les lignes qui sont privatisées. On assiste dès lors à une multiplication des monopoles privés. L’idée de monopole sur des lignes nécessite que plusieurs compagnies utilisent les mêmes lignes. Or, ces lignes sont détenues par la compagnie elle-même. Autrement dit, la privatisation et l’ouverture à la concurrence sont deux choses différentes. Le premier tend à créer un appel d’offres dans le but de vendre des titres ou actions, alors que le second tend à admettre plusieurs compagnies sur un même trajet. Or, la privatisation programmée ne tend pas à mettre en concurrence les compagnies, mais bien de créer des monopoles privés.
Dans un monde idéal, l’ouverture à la concurrence se réalise sur le fait que les lignes sont gérés par un opérateur, et laissent différents compagnies utiliser les lignes pour réaliser des trajets similaires. Par exemple, un Paris-Marseille entièrement privatisé à une seule compagnie ne permet pas d’admettre qu’il existe une concurrence, mais la mise en place d’un monopole privé. Or, le monopole privé pose de nombreuses questions notamment sur la question des prix sur les billets. En effet, la privatisation sans ouverture à la concurrence crée des monopoles privés et se traduit immédiatement par une hausse du prix des billets et par ailleurs une baisse considérable du pouvoir d’achat des ménages. Alors que la concurrence intervient dans une volonté d’établir différents compagnies pour un seul et même trajet. Ainsi, différentes compagnies réalisant le trajet Paris-Marseille sur des créneaux horaires différents permettent de créer une véritable concurrence. Le client ou l’utilisateur a la possibilité de choisir entre différentes offres, cela peut se traduire également par une baisse du prix du billet, mais cette vision est très hypothétique, puisque la libéralisation et la mise en concurrence des compagnies entre elle n’a jamais été faite.
On peut conclure que la privatisation actuelle du gouvernement ne se traduit pas par une délégation du service public à des entreprises. Dans ce cadre, les tarifs sont encadrés par un ensemble de lois, et de conventions. Il ne s’agit pas de déléguer le service public à des entreprises privées, puisque là encore, il n’y a pas de concurrence, il n’y a pas différents choix pour les utilisateurs. Imposer un seul choix à l’utilisateur se situe automatiquement dans un paradoxe de l’idée du libéralisme.
On commence à comprendre que cela commence à être difficile d’envisager une libéralisation du rail sans que cela débouche sur des monopoles privés, comme c’est le cas en Allemagne ou Grande-Bretagne. La logique du libéralisme n’est pas appliquée dans ces deux pays pourtant champion de deux types de capitalisme : le néolibéralisme et l’ordolibéralisme. Certaines régions souhaitent ouvrir la concurrence pour la question des TER. Encore une fois, l’ouverture à la concurrence pour les contrats pose une question de fond : les entreprises extérieures choisies par la région après un appel d’offres ne permettent pas pour le moment d’affirmer qu’il existe une concurrence dans le choix des utilisateurs. Un EPIC laisse place à une entreprise privée : le monopole public se transforme en monopole privé. Xavier Bertrand et Christian Estrosi suivent une idée qui n’est pas compatible avec le libéralisme et le courant conservateur auxquelles ils appartiennent.
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