Expulser la Zone à Défendre : un danger pour le pouvoir

s1-reutersmedia-net1.jpg

La Zone d’Aménagement Différé subit depuis ces dernières semaines de fortes pressions de la part des promoteurs du projet de l’Aéroport Grand Ouest à travers la presse écrite, les radios ou encore la télévision.




L’expulsion de la Zone à Défendre de Notre-Dame-Des-Landes se profile avec une pression politico-médiatique toujours plus forte en vue de criminaliser des «Zadistes». Derrière plane l’ombre du «Black Bloc», ces manifestants se sont illustrés dans le cortège de tête durant l’opposition à la «Loi El-Khomri». Dans un contexte où le pouvoir se retrouve aisément avec une problématique des «ennemis de l’intérieur». L’approche vise clairement à intégrer dans la lutte contre le terrorisme. Cela procède à la criminalisation de l’ensemble des opposants à l’aéroport. Forcément, la question des «ennemis de l’intérieur» pousse aussi à une tentation dans le camp conservateur de revenir à la patrie : entre ceux qui défendent la patrie et ceux qui défendent la «ZAD».

À la question suivante : «Vous personnellement, êtes-vous favorable ou opposé au recours à la force si nécessaire pour les déloger ?» 56 % des personnes (20 % très favorable et 36% plutôt favorable) y répondu favorablement dans le cadre d’un sondage Odoxa-Dentsu Consulting pour franceinfo et Le Figaro, publié jeudi 4 janvier [[Voir le sondage : http://www.odoxa.fr/sondage/gerard-collomb-largement-inconnu-francais-patit-dun-niveau-de-popularite-tres-moyen/ ]].



Quand la presse laisse les futurs responsables de l’opération d’expulsion, les langues se libèrent : « Il y aura des blessés des deux côtés, voire des morts » [[Julia Pascual, Notre-Dame-des-Landes : la gendarmerie se prépare à une opération d’ampleur, Le Monde, le Janvier 2018, [En Ligne] | Consulté le 13 janvier 2018, URL : http://www.lemonde.fr/planete/article/2018/01/12/notre-dame-des-landes-la-gendarmerie-se-prepare-a-une-operation-d-ampleur_5240937_3244.html#K2P6G9oyscMrBzfx.99]], mais aussi cela transforme à une vision d’une guerre de tranché : « C’est une opération compliquée, mais on n’est pas à la veille de la bataille de Verdun » [[Idem]]. Vous l’avez bien compris, il y aura des victimes et l’État est prêt à «tuer» pour défendre les intérêts de la bourgeoisie, quitte à se retrancher dans la boue pendant des semaines, voir des mois.

L’expulsion se rapproche, mais elle pose des problèmes techniques et logistiques pour le gouvernement. Comment évacuer une zone supérieure à 1000 Ha ? Une question fondamentale, puisque si les lieux peuvent être évacués et les habitations détruites les unes après les autres, cela nécessite une opération d’envergure inouïe dans un climat d’état d’urgence permanent. Après les expulsions vient la question de l’occupation par les forces de l’ordre pour quadriller l’ensemble du bocage : un fait techniquement impossible. Même si la Préfecture de Loire-Atlantique contrôle régulièrement la zone à travers des drones et des hélicoptères, le résultat débouche obligatoirement.



Le magazine d’extrême-droite Valeurs Actuelles, pris dans un conspirationnisme aiguë, parlait de Notre-Dame-du-Viêtnam [[Louis de Raguenel, «Notre-Dame des Landes : bienvenue à Notre-Dame-du-Viêtnam», Valeurs Actuelles, le 9 décembre 2017, [En Ligne] | Consulté le 5 janvier 2018, URL : www.valeursactuelles.com/societe/notre-dame-des-landes-bienvenue-notre-dame-du-vietnam-91305]], d’autres parlent d’un camp retranché en se basant sur un rapport de la DGPN, dont les propos frisent le ridicule. Qu’importe le fond, puisque le fait est de démontrer que la violence semble omniprésente sur le bocage. Cette vision conduit manifestement à une escalade dans le langage de la répression, mais aussi le fait de mettre en évidence que les personnes défendant la «ZAD» sont armés et constitueraient à travers ces armes : des terroristes. Les termes ont un sens et porte en eux de nombreuses conséquences, mais aussi dans les moyens d’expulser la «ZAD». La volonté de reprendre le contrôle du territoire suit le principe de redorer «l’autorité de l’état». Les moyens militaires semblent légèrement mis en évidence par les conservateurs. Une opération avec des blindés semble se préciser. La volonté de tuer dans l’œuf les opposants poursuit l’idée de l’ordre public jusque dans le sang.

L’enchaînement risque de tourner au drame, puisque les individus radicalisés en faveur de l’Aéroport du Grand Ouest sont prêts à tout pour construire le deuxième aéroport de Nantes. Par la force de la loi, c’est-à-dire ceux qui la votent, ceux qui la jugent et ceux qui l’exécutent, la solution débouchera nécessairement sur un déchaînement très intense de la part de l’État. Le risque majeur reste un échec cuisant comme pour les opérations César I et II.



L’opération César III de Gérard Collomb intervient dans un contexte de regain de tension, mais aussi de «fausses informations» sur le bocage. Les fantasmes des conservateurs, des entrepreneurs et des propriétaires fonciers suivent l’esprit de leur propre enrichissement personnel. À aucun moment, l’aspect collectif de la viabilité de l’infrastructure n’est remis en cause, mais les différents bénéfices qu’ils peuvent en tirer. Une démocratie biaisée ne roulant que l’intérêt d’une minorité étant prête à utiliser des armes létales interroge forcément les démocrates. Dans ce cadre, la volonté de «tuer» et les «incitations aux homicides» de la part des partisans de l’aéroport doit cesser immédiatement.

À savoir que la consultation mise en place par Manuel Valls d’une consultation portait sur une question mensongère : l’aéroport de Nantes Atlantique ne sera pas fermé. Il ne s’agissait que du transfert des vols commerciaux. Une consultation biaisée sur un périmètre inadaptée [[Vouloir construire l’Aéroport Grand Ouest, sans prendre en considération l’ensemble des départements de l’Ouest : la Bretagne et les Pays de Loire, débouche logiquement sur une vision tronquée. Les conséquences structurelles d’un tel projet n’ont pas été établies pour de nombreuses villes possédant également un aéroport. Ainsi, l’objectif même du périmètre de la consultation dénaturait fondamentalement l’objectif du projet initial : construire un aéroport pour les régions de l’Ouest, et non uniquement pour une partie du département de Loire-Atlantique. Le périmètre choisi par la Préfecture remet également en cause la participation de l’État, la région dans le financement du futur aéroport de Notre-Dame-Des-Landes. En effet, si la population concernée par la consultation ne correspond ni à l’état, ni à la Bretagne, ni aux départements des pays de Loire, alors il convient de souligner que le financement incombe aux intercommunalités, les métropoles et le département de Loire-Atlantique. Ce transfert de budget ne semble pas remis en question par les partisans, alors qu’il s’agit d’un projet départemental, et non national. Sinon, le référendum aurait été utilisé en fonction des articles de la Constitution. Ensuite, il convient de changer le nom de l’Aéroport, puisque la population du Grand-Ouest n’est pas concernée, l’Aéroport ne peut celui du Grand-Ouest, mais bien un grand Aéroport de Loire-Atlantique.]] pour tenter d’affirmer que la tentative plébiscite du pouvoir pour tenter d’incarner la démocratie semble clairement tomber à l’eau. Dans le même temps, l’ensemble des informations n’étaient pas disponibles à ce sujet [[Les conséquences environnementales ont largement été biaisées. Par exemple la bétonisation d’une zone humide et d’un bassin-versant participe à la prévention de la crue de la Loire. Sous-estimer ce phénomène se résume à assumer pleinement les différentes crues qui se produiront fautes d’infiltration de l’eau dans des sols perméables. Dans le même temps, comme les crues résulteraient de l’intervention de l’homme, elles ne pourront être considérées comme des catastrophes naturelles.]].



Par effet de ricochet, cette vision s’inscrit dans la volonté d’Emmanuel Macron de concevoir un état fort ne cédant pas aux caprices de quelques-uns pour mettre en place tous les projets liés à sa politique. Une épine dans le pied ou encore un Kyste pour Manuel Valls [[Lors d’une intervention datée du 23 novembre 2012 à Lorient, l’ancien Premier Ministre a déclaré qu’il «hors de question de laisser un kyste s’organiser, se mettre en place, de façon durable, avec la volonté de nuire avec des moyens parfois dangereux». L’utilisation d’un langage à propos de cellule cancéreuse concernant des personnes souligne l’utilisation de méthodes violentes destinées à éliminer par la force. Cela déplace également un langage dans des propos foncièrement totalitaire, puisque cela signifie de détruire toute opposition au projet.]] risque de toucher l’ensemble des régions, des départements, des municipalités où se trouvent des comités de soutien en lutte contre l’aéroport. Actuellement, il y en aurait près de 300, dont certains dorment toujours, mais sont prêts à se réveiller à la moindre alerte.



0:00
0:00