Les ordonnances d’Emmanuel Macron sous le signe de l’autoritarisme
Emmanuel Macron et son gouvernement sont sur le point de promulguer les ordonnances modifiant les règles du marché du travail, ainsi que la négociation de l’entreprise. Les discussions entre les syndicats et patronat se tiennent dans l’opacité la plus totale, symbole d’une démocratie reniant la transparence comme le souhaitait la loi de la moralisation de la vie publique
La Constitution permet chaque gouvernement d’avoir recourt à des ordonnances comme le veut l’article 38 de la Constitution. Il énonce que «le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi». Autrement dit, le Parlement vote une loi d’habilitation pour une ordonnance c’est-à-dire donne l’autorisation au gouvernement à légiférer sur les domaines que l’ordonnance délimite. Le Parlement vote effectivement ces mesures, ainsi que les amendements. Les libéraux et les conservateurs considèrent que la Constitution permet l’utilisation des ordonnance et que le Parlement vote les lois d’habilitation, alors il s’agit d’un outil démocratique. Autrement dit, la démocratie se résume au simple acte de voter.
Le vote participe à la démocratie, mais la démocratie ne se résume pas au vote. Pour les conservateurs et libéraux, voter aspire à l’acte démocratique par excellence, le reste n’appartient point à la démocratie. Autrement dit, les quelques minutes se résument à une vision démocratique. Le reste se résume à la répression des personnes qui ont voté ou qui se rebellent contre le pouvoir.
Nous élisons nos bourreaux, et en particulier le Président de la République et les députés au suffrage universel direct (et uninominal à deux tours dans le cas des parlementaires du Palais Bourbon). Les résultats que le ministère de l’Intérieur et le Conseil Constitutionnel ont force de loi. Se soumettre ou non à ces décisions revêt une importance capitale, puisque l’ensemble décisions des personnes qui ont été élues met en avant un légalisme de combat contre toute remise du système qui les a poussé au pouvoir. De plus, ils ont des droits importants puisque ces derniers peuvent à tout moment modifier la Constitution et nommer les membres du Conseil Constitutionnel influençant les décisions rendant conforment à la Constitution. De plus, on constate que progressivement le conseil des sages tend à faire une transformation progressive vers une idéologie libérale.
La sécurisation du libéralisme (et a fortiori du Capitalisme) par le droit constitutionnel dérivé permet aux partisans du légalisme de ne pas sortir dans la rue pour demander le respect de l’ordre public et in fine politique. Dans la gestion de crise, il y a l’adage romain qui énonce que «Quod principi placuit legis habet vigorem» c’est-à-dire «ce qui plaît au prince a force de loi». In extenso, le prince pourrait tout à faire correspondre à la figure d’Emmanuel Macron, puisque celui-ci se définit avant tout comme un monarchiste [[«Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort.» in Entretien avec Emmanuel Macron, «J’ai rencontré Paul Ricœur qui m’a rééduqué sur le plan philosophique», Le Un, 08 juillet 2015]]. Dès lors, la République ne pouvait se comporter uniquement la «monarchie absolue» antérieure à la «Première République».
Les références monarchiques dans le discours d’Emmanuel Macron rappellent «la terreur blanche». La réaction monarchiste de 1815 poussa à de nombreux crimes commis par les personnes se réclamant de «la droite». Le côté revanchard dans le corpus idéologique des conservateurs devient fondamental. Chaque défaite doit se résoudre par une mise en place d’une vaste «purge» quand ces derniers arrivent au pouvoir par les moyens légaux ou illégaux.
Nos bourreaux ne reconnaissent point la démocratie pleine et entière qui se construit hors du champ légal, puisque cet espace se revêt comme le seul outil du prolétariat. Les conservateurs comme les libéraux, c’est-à-dire les capitalistes n’ont pas intérêt à voir les travailleurs se révolter contre le légalisme, puisque cela met en cause directement l’appareil étatique. Les libéraux veulent moins d’états dans de nombreux domaines, mais surtout une augmentation de la taille de l’état régalien : Justice, Police et Armée.
La remise en cause de l’état au sens bourgeois sur tous les fondements doctrinaires et dogmatiques qui l’accompagnent, permet de considérer comme illégitime le fonctionnement de la démocratie représentative, d’autant que les travailleurs n’y sont pas représentés.
La République n’a toujours pas fait la rupture avec l’Ancien-Régime, les ordonnances ont été créées sous la monarchie. Durant, le Moyen Âge classique, le Roi était habilité à prendre des ordonnances. En 2017, ce n’est plus le Roi avec l’accord du conseil, mais le Premier Ministre avec l’accord du parlement. L’ordonnance a simplement subi un rajeunissement «républicain». Dans les faits, elle poursuit le processus monarchique.
Ainsi, lorsqu’un éditorialiste affirme que «il faut inciter les français à la patience» [[Christophe Barbier, «Il faut inciter les Français à la patience», L’Express, 14 août 2017]], celui-ci oublie manifestement d’inciter le gouvernement à la patience pour mettre en œuvre ses réformes par le processus normal d’un dépôt de projet de loi. Peut-être que Christophe Barbier a la même tentation qu’Emmanuel Macron pour les ordonnances et la monarchie ? Le gouvernement Philippe II demeure sous l’influence de la campagne de François Fillon. En effet, laisser le temps au gouvernement pour aller vite permet de tuer dans l’œuf toutes les contestations. Cette vision approuve justement la démagogie autoritaire et liberticide du gouvernement.
Les ordonnances sont un outil profondément autoritaire et liberticide, permettant d’accélérer les «contre-réformes» conservatrices, afin que le calendrier du Parlement stimule l’économie. Cela répond au dogme de «l’École de Chicago», plus les travailleurs sont opprimés, réprimés (parfois dans le sang) avec des salaires les comprimés possibles, dès lors l’économie ne peut plus subir de crise économique, et par conséquent annihilerait l’existence même des cycles économiques. Plus largement, ils affirment que la lutte des classes serait alors une illusion créée par les partisans issus du Marxisme et des courants post-Marxistes.
Ainsi, les intérêts d’un patron s’inscrivent dans la même lignée que celui du salarié, défendre le salarié correspond à défendre le patron. Les différentes mesures protégeant le salarié, si elles sont considérées comme nuisibles pour le patron, seront logiquement considérées comme nuisibles pour le salarié. La destruction du droit du travail s’inscrit alors dans une logique visant à rendre les salariés plus flexibles, mais aussi comme une armée de réserve au service du patronat et de ses intérêts. Le déplacement du Code du Travail vers des accords de site de production (au sein de l’entreprise), d’entreprise ou de branche démontre cette volonté de mettre de l’illusion dans un «dialogue social» purement factice, mais répondant à une logique niant la lutte des classes. Ce refus d’admettre une évidence pousse à l’intensification de la lutte de classe au sein des entreprises, mettant en danger encore davantage le salarié. Le dialogue social se confronte désormais à un «monologue patronal», où le patronat a le dernier mot jusque dans l’avènement d’un contrat. L’autoritarisme du nouveau modèle social rend le travail plus malléable face à son employeur.
L’autoritarisme met en évidence que les ordonnances traduisent également une vision purement liberticide niant les libertés individuelles. Le système libéral a besoin d’une vision autoritaire contre les droits fondamentaux pour mettre en place ses idées, la justice libérale nécessite l’absence totale des libertés individuelles afin de protéger les différentes lois économiques et mettre le prolétariat dans un état de paupérisation de combat, afin de satisfaire les lois du marché. Cette volonté se traduit également par la publication au BOAMP (Bulletin Officiel des Annonces des Marchés Publics) d’un appel d’offres pour une commande d’un montant de 22 millions d’euros (hors TVA) de «grenades de maintien de l’ordre et moyens de propulsions à retard» destinée à la police et à la gendarmerie nationale.
Le gouvernement se prépare à une rentrée très intensive, mais aussi une contestation sociale sans précédent. Est-ce le début d’une panique d’un mouvement des travailleurs de grande ampleur ? Sûrement. Une nouvelle histoire se crée, celle-ci risque d’être violente.