Olivier Berruyer, la caricature “antisémite” et la diffamation

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Olivier Berruryer reproduit sur son blog un de mes tweets où je déclarais que son image est «clairement antisémite». Elle l’était et elle l’est toujours, même si elle a été modifiée.


Ce dernier pose une question : Et si la faux avait été remplacée par le drapeau britannique ou russe en lieu et place du drapeau israélien, comment cela se traduirait-il ?

En l’occurrence, il convient d’abord d’analyser l’image originale avant de tenter différentes extrapolations.

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Le dessin (ci-dessus) a été réalisé en 2013, au moment où Nicolas Maduro (ancien premier ministre) accusait les États-Unis d’Amérique et Israël d’être responsablse du cancer d’Hugo Chavez. C’est aussi à partir de ce moment que l’opposition conservatrice de Leopoldo López a commencé à reprendre de la vigueur et de la force [[L’opposition à Chavez comme Maduro ne se résume pas à Leopoldo López et la MUD. La vision manichéenne du mouvement campiste tend à simplifier les enjeux de la contestation. Il existe une opposition de gauche et anticapitaliste à Maduro. Cette dernière prend la forme du Parti Socialisme et Libertés (Parti Socialismo y Libertad), mais aussi une forme libertaire.]].

Sur le dessin, on y voit six portes : une pour le dessinateur et cinq pour les pays (Iraq, Libye, Syrie, Ukraine et le Venezuela). Une faucheuse, dont la robe a revêtu le drapeau des États-Unis d’Amérique et sa faux sur laquelle apparaît le drapeau israélien. La faucheuse va de porte en porte laissant derrière elle ses flaques de sang [[Le fait que la faucheuse utilise une faux israélienne, renvoie directement à l’état-juif c’est-à-dire le Judenstaat et plus largement aux Juifs eux-mêmes. Il s’agit évidemment de la référence antisémite du mythe du juif errant et assassin du XIXème siècle.]].



Pour anecdote, le Venezuela a expulsé l’ambassadeur Israélien en 2009 sur fond de «conflit israélo-palestinien». Depuis cette date, il n’y a plus de relations diplomatiques entre les deux pays. Dernièrement, un rapprochement semble avoir lieu. L’ambassade est fermée. En l’espèce, il s’agit d’une obsession vis-à-vis d’Israël.

Concernant l’Irak, la Libye, la Syrie, ou encore l’Ukraine, la situation du caricaturiste se résume à la position américaine. Pour le cas de l’Irak et des pays suivants, il faut tout de même voir que la position américaine apparaît fondamentalement différente. Puisqu’il s’agit de deux présidents américains différents.



En effet, pour la Libye, la Syrie et l’Ukraine, l’impulsion démocratique s’inscrit dans le cadre d’une lutte contre les régimes autoritaires. Ces derniers n’ont pas hésité à réprimer leurs peuples respectifs aboutissant à des guerres civiles pour tenter de renverser les différents régimes. Que cela soit le Colonel Kadhafi, Bachar Al-Assad ou Petro Porochenko, la situation a abouti à des affrontements violents. Les démocrates ne peuvent cautionner ces régimes. Si Pétro Porochenko a été renversé, l’Est de l’Ukraine subit une guerre civile opposant la partie russophile aidée par la Russie. La Russie a conquis la Crimée. Ce n’est pas les États-Unis qui ont conquis la partie ukrainienne, mais la Russie.

Dans le cadre de la Syrie, la guerre civile a fait plus de 300 000 morts, c’est Bachar Al-Assad en voulant conserver le pouvoir qui a créé sa propre guerre civile, tout en aidant les organisations islamistes et permis à Daesh une avancée dans la Syrie. Enfin sur la Libye, la chute du pouvoir de Khadafi résulte entre autre de la volonté de l’ancien raïs de réprimer par le fer la contestation.



Pour les «campistes», ce dessin se traduit par l’ingérence américaine au Venezuela, mais aussi de l’impérialisme américain. La question du drapeau israélien importe beaucoup, puis qu’Israël n’interagit pas au Venezuela. Il s’agit de répondre à la logique «complotiste» du gouvernement de l’époque. Au-delà, ce dessin justifie la répression au Venezuela et la politique capitaliste que Chavez, puis Maduro, mettent en œuvre.

On constatera que le dessin n’est pas inconnu au bataillon. Ce dernier a été publié sur le site «Égalité et Réconciliation» d’Alain Soral dans le cadre des «dessins de la semaine» du 23 février 2014. Un auteur d’ailleurs régulièrement condamné pour «contestation de crime contre l’humanité», «injure raciale», tout comme la «diffamation».

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Il est possible que la caricature rentre dans le délit de l’article 24 alinéa 5 et 6 de Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Pour mettre fin à la possibilité du délit, Olivier Berruyer a masqué le drapeau israélien par du bleu cyan (ci-dessus).



Toutes les manœuvres ont abouti à conserver la caricature en l’espèce, malgré une légère modification qui ne change pas le fond du dessin. Déformer un dessin en enlevant les éléments discriminatoires ne changent pas la valeur du dessin. Le dessin apparaît modifié, mais il s’agit tout de même d’un «dessin antisémite». La tentative du «Mea Culpa» (dans la photo ci-dessus) pour justifier la caricature apparaît ironiquement comme un «lifting», et non comme une tentative de réparation d’une erreur involontaire.

Ensuite, que se passerait-il si la faux arborait un autre drapeau? Cela changerait le sens du dessin au regard de celui qui lui a été initialement donné.

Olivier Berruyer a déposé une plainte pour «diffamation» contre Rudy Reichstadt du site Conspiracy Watch et le libéral Jean Quatremer.

Dans le même temps, Olivier Berruyer a invité avec d’autres de ses collègues Noam Chomsky. Ce philosophe anarchisant et passablement sulfureux personnifie «la liberté d’expression» la plus totale et la plus entière.

Dans un article du 1er Décembre 2016, Olivier Berruyer affirme:

voici l’accueil que notre pays aura réservé à un des plus grands intellectuels mondiaux – bien entendu à cause de ses prises de position pour la liberté de pensée, le Droit, la Justice, le contrôle du Pouvoir et contre la propagande



Autrement dit, Olivier Berruyer défend la liberté d’expression la plus totale pour ses écrits, mais refuse toute critique constructive de ses articles et même les accusations qui en découlent. C’est beau de vanter les mérites de Noam Chomsky, mais au final cela abouti à son opposé.

Le grand défenseur de la liberté d’expression déclare:

Je porte donc plainte (comme je fais désormais systématiquement face à de telles méthodes, qu’ils en soient bien convaincus).

Ses méthodes seraient-elles la matérialisation de l’idée qu’il se fait du régime idéal? la répression, la répression et la répression ; en soi comme au Venezuela.



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