Toujours de nouvelles prorogations de l’état d’urgence
Les attentats du treize novembre ont laissé des traces indélébiles dans le paysage juridique comme politique français. Le soir du massacre du Bataclan, la France plonge dans l’état d’urgence, dans un régime d’exception issu de la guerre d’Algérie.
Une fois de plus, le régime de l’état d’urgence est prorogé par les députés. La XIVème législature laisse place à la XVème législature. Les mêmes arguments sont avancés par ceux qui veulent purger les libertés individuelles et les droits élémentaires au nom d’une lutte factice contre le terrorisme. L’extension prévue ira du 16 Juillet au 1 Novembre 2017. En attendant, que la Loi soit adoptée au Sénat où le parti “Les Républicains” détient la majorité absolue.
Le Palais Bourbon vient d’adopter le texte dans une “urgence” surprenante. Le calme règne en France. Cela devient une habitude, l’urgence permet la mise en place de mesures qui ne sont plus d’actualité. Pourtant, le populisme du pouvoir actuel alimenté par les fantasmes des conservateurs et des libéraux prend le dessus. Les superstitions sécuritaires entretiennent l’exception pour en devenir une banalité. Il s’agit d’une mauvaise habitude pour les travailleurs de s’habituer à la mise en place de l’exception, mais aussi d’une baisse fondamentale de leurs droits. En l’occurrence, nous assistons à une des plus grandes victoires du terrorisme sur nos vies au moment où la ville de Mossoul est reprise du joug sanguinaire de Daesh.
Guy Debord affirmait que “le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux” dans la Société du Spectacle (chapitre 1). Il ne s’y trompait pas. Alors que les partisans réclament toujours plus de “libertés” pour opprimer les uns et les autres, ils réclament toujours plus d’autorités et de sécurités pour préserver l’atomisation des travailleurs. La liberté des uns pour écraser la liberté des autres. Ce n’est pas anodin. Dans le libéralisme, l’autoritarisme et les mesures liberticides sont l’alpha et l’oméga.
Dans un cadre politique où la démagogie est le maître-mot de la politique du gouvernement, la position sécuritaire d’Emmanuel Macron comme de son Premier Ministre nous rappelle que ce régime d’exception est aussi utilisé en Turquie pour réprimer l’opposition, afin de favoriser le retour du “Sultan” et de l'”Empire Ottoman”. Si la Turquie ne peut-être comparée à la France, on constate que nous prenons progressivement la pente vers un régime de plus en plus autoritaire, plus dure et plus scélérat. Entre la volonté de restaurer la “Monarchie” et l’autre “l’Empire Ottoman”, nous sommes sur une ligne particulièrement despotique. Alors que l’Europe fait face à une vague populiste d’une ampleur importante touchant tous les courants politiques, l’état d’urgence n’est qu’un artifice sécuritaire destiné à rassurer une partie de la population sans combattre le terrorisme.
À Istanbul, près de 2 Millions de Turcs manifestaient pour la “Justice” et la fin de “l’État d’Urgence” sous l’égide du CHP, le parti Kémaliste. La Turquie traverse une période de crise politique importante, le “nationalisme turc” a cette particularité de se diviser en différentes branches autonymiques. Les purges continuant au pays du “Sultan” où les arrestations deviennent de plus en plus importantes, les limogeages sont toujours plus importants montre le courage de dire “non”, là où la France s’enfonce dans la même ligne qu’Erdogan.
La liberté si sacrée soit-elle laisse place à la doctrine “lepéniste” où la sécurité devient le “symbole” en matière de libertés individuelles. Les “fiches S” mettent aussi en évidence l’idée évidente que chacun peut faire l’objet d’une fiche concernant la possibilité d’une atteinte à la “sûreté de l’État”. À ce jour, près de 20 000 personnes sont inscrites dans ces fichiers, le nombre risque d’être exponentiel dans les mois et les années à venir.
Le terrorisme visé nécessite des investigations longues, mais aussi de la discrétion. En laissant les pleins pouvoirs au pouvoir exécutif, des dérives liberticides sont constatées détournant le principe même de l’état d’urgence : lutter contre le terrorisme. Ce détournement est censé prendre fin vers l’automne, avec la codification de l’état d’urgence dans le Code de la Sécurité Intérieur. Autrement dit, nous allons passer d’un régime d’état d’urgence ponctuel à un régime d’état d’urgence permanent où le juge judiciaire laisse place au juge administratif, où le contrôle “a priori” devient “a posteriori”. Cette transformation permet de réprimer les mouvements sociaux : la COP21, l’opposition à la “Loi Travail”, et bientôt l’opposition à la “Loi Travail XXL”.