Charlie Hebdo souhaite une laïcité conservatrice
Charlie Hebdo dans son numéro n°1283 demande aux candidats de s’engager sur la laïcité en trois points différents : la non-modification de la loi de 1905, le refus du communautarisme et le délit de blasphème (abrogé en Janvier 2017).
Dans son introduction, le journal affirme que
Ceux qui la défendent avec rigueur se font traiter de “laïcards”, de “laïciste intégristes”.
Pourtant, il n’y a pas d’exemple, ni de nom à citer pour donner des exemples. Qui sont ceux qui la défendent avec rigueur ? Il est vrai que le mouvement “Printemps Républicain” n’est pas un mouvement laïcard. Il s’agit d’un mouvement œuvrant sur les thèses du “Grand Remplacement” pour parler de laïcité. Un mouvement s’inscrivant dans les théories de l’extrême-droite.
Premier point
Ne pas modifier, de quelque manière que ce soit, la loi du 9 décembre 1905 sur la laïcité.
Pourquoi refuser tout amendement, toute modification d’une loi séparant le religieux et l’état serait refusée ? La dernière modification est datée du 25 juillet 2015, ce qui démontre le caractère dynamique de cette dernière s’adaptant au fur et à mesure des différentes époques. D’autant que la laïcité ne se résume pas à la Loi de 1905, puisque de nombreux éléments sont présentes dans différents codes et différentes lois.
Historiquement, il y a deux modèles qui s’opposent en matière de gestion de religion vis-à-vis de l’état : la laïcité et le concordat. En 1905, les travaux parlementaires démontrent que le projet de loi qui est adopté n’est autre qu’un compromis entre les chrétiens-démocrates et les laïcs. On peut le voir comme la seconde étape dans le processus laïc. Puisque les Lois Ferry ont rendu publics l’éducation, expulsant les différentes congrégations, prêtres et autres vers la porte, afin de redonner à des instituteurs de l’éducation national, c’est-à-dire un travail d’enseignement sans pression religieuse.
En 2017, la loi de 1905 vieillit doucement déclenchant différentes passions, mais aussi différentes lectures d’un même article de loi, tout comme des interprétations différentes. Mais il y a aussi ceux qui se servent de la loi par logique opportuniste afin de distiller une idéologique totalement contradictoire à la laïcité, je pense notamment aux extrême-droites (l’une libérale et l’autre protectionniste).
La volonté de s’accrocher sur un compromis entre les laïcs et les partisans du concordat suit la logique de la loi de 1905. Ce consensus rend à la charge des communes, les établissements religieux construits avant 1905 : les Églises, les Cathédrales, les Basiliques, les Temples, les Synagogues, etc. Sur ces bâtiments religieux, des drapeaux tricolores peuvent même être installés, c’est-à-dire rompre le principe même de la laïcité. Toutefois, cela ne dérange pas vraiment les journalistes de Charlie Hebdo.
Quant à la charge de l’entretien des monuments antérieurs à 1905, elles sont à la charge des communes, et donc de tous les citoyens (y compris les athées). Les croyants ne veulent pas assumer leur croyance, ce qui entraîne des taxes supplémentaires dans les impôts locaux. Dans le cadre des “monuments historiques”, l’état peut en subventionner une partie, mais ne pourra prendre en charge l’ensemble du coût des travaux.
Enfin, le refus de modifier la loi de 1905 s’inscrit comme le refus de toute abrogation du Concordat en Alsace-Moselle, et donc affirmer que la laïcité n’est pas valable sur l’ensemble du territoire.
Il faudra bien en découdre de la Loi Debré par exemple sous prétexte de la laïcité également et inscrire dans la loi de 1905 que l’état ne peut plus subventionner les écoles privées sous contrats. Beaucoup de ces écoles insufflent l’esprit réactionnaire, antilaïque et ultraconservateur. Subventionner ces écoles consiste à subventionner les différentes extrême-droites religieuses.
Deuxième point
Ne jamais introduire dans la législation, sous quelque forme que ce soit, des aménagements particuliers à l’égard d’une communauté religieuse
Charlie Hebdo demande à ne pas introduire dans la législation des aménagements à l’égard d’une communauté religieuse. On passera sous silence que les règlements ne sont pas visés par le “second point”. Or, la question d’un engagement sur quelques choses qui existent déjà ne peut que soulever des questions. On peut le considérer dès lors cet engagement comme absurde, puisque la nécessité aurait été d’abroger les “mesures juridiques” permettant les différents aménagements à l’égard des communautés religieuses.
Pourtant il existe déjà de nombreux aménagement religieux, comme par exemple :
- Concordat en Alsace-Moselle
- Loi Debré : subvention religieuse aux écoles privées (10 Mds d’euros/an)
- Les jour férié religieux : Noël, Pâques, Toussaint, Assomption, etc.
- Ambassade de France près du St-Siège (le Vatican).
Dans la proposition ci-dessus, il est évoqué le terme “introduire”. À ce stade-là, ce n’est plus une introduction, mais le cœur du communautarisme qui est déjà présent. À défaut de réformer ces quatre points, le communautarisme persistera. De ce fait, ne rien faire, s’inscrit effectivement dans une logique communautarisme. Il s’agit de la volonté de Charlie Hebdo.
Ne jamais introduire, de quelque manière que ce soit, un délit de blasphème dans la législation.
Il aura fallu attendre la Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté pour que le délit de blasphème soit entièrement abrogé sur l’ensemble du territoire et en particulier en Alsace-Moselle avec l’abrogation de l’article 166 du Code Pénal Local. Cette abrogation fait suite également à une proposition de Loi visant à abroger le délit de blasphème, encore en vigueur en Alsace-Moselle, datée du 22 mai 2015.
Les raisons de cette lois sont également expliqués en substance par le législateur :
La Révolution française de 1789 affirmera la liberté d’expression et de pensée et mettra fin au rôle historique de fondement de l’ordre social que la religion remplissait. Un siècle plus tard, en 1881, la loi sur la liberté de la presse qui s’inscrit dans une philosophie fondamentalement laïque n’interdira pas des débats d’opinions et des campagnes de presse extrêmement violentes entre d’une part les tenants de la Religion et ceux de la laïcité. Cela mettra à mal puis finira par briser l’idée d’un lien naturel et incontestable entre État et Religion. La loi de 1905 sur la séparation des Église et de l’État viendra mettre un point final au débat.
Depuis 1791 il n’existe plus de délit spécifique de blasphème entraînant la privation de liberté. En France le blasphème défini par le dictionnaire Larousse comme étant « la parole ou le discours qui outrage la religion ou la divinité » n’est pas punissable. La Loi sanctionne par contre l’injure et la diffamation des personnes et des groupes, et précisément les attaques contre des groupes religieux lorsqu’ils sont dénigrés en tant que tels. Ce qui est ainsi interdit c’est « l’injure, l’attaque personnelle et directe dirigée contre un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse » ou l’incitation à la haine raciale ou religieuse. C’est bien l’ordre social et la tranquillité publique qui sont protégés dans notre pays ; dans notre pays, sauf en Moselle et dans les deux départements d’Alsace.
Pour cette abrogation, il aura fallu attendre les attentats contre Charlie Hebdo 7 janvier 2015, ce qui n’est pas mentionné non plus.
Le blasphème permet d’éviter des débats sur les religions, mais aussi condamne les laïcs, les athées souvent à des critiques religieuses de fond comme de forme. Pour autant, il ne suffit pas pour autant de l’abolir pour ne pas terminer devant la XVIIème chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris dans le cadre des différents articles sur la Loi de 1881 concernant justement la presse.
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