Le pouvoir turc va-t-il refaire l’été 1988 iranien ?
La question du retour de la peine de mort par la fraction des frères musulmans en Turquie peut interroger sur la volonté finale de son utilisation. Les massacres de masse restent une tradition chez les partisans de l’islam politique. Durant l’été 1988, l’Iran a exécuté massivement les prisonnier-e-s opposé-e-s au régime.
Une division religieuse entre Erdoğan et Rohani
Recep Tayyip Erdoğan n’a jamais été proche d’Hassan Rohani. En même temps, il n’a pour autant pas été si éloigné de ce dernier. Avant Hassan Rohani, il y a eu Mahmoud Ahmadinejad, mais le résultat était identique. Les deux hommes sont des islamistes notoires, la question du schisme les sépare radicalement.
L’AKP s’inscrit dans la logique des Frères Musulmans (FM) de confession sunnite. Les Iraniens s’inscrivent dans le cadre d’un régime islamiste chiite. Cette différence de l’interprétation de l’Islam met en évidence des contradictions, d’autant que les sunnites sont réprimés en Iran.
Le régime iranien se compose sous un simulacre de démocratie pour mettre en avant les questions théologiques, obscurantistes et rétrogrades. Il s’agit d’une monarchie dissimulée théocratique où rien n’est fait sans l’aval des chefs religieux et de leurs assemblées. S’opposer à l’ennemi invisible envoie à la potence.
Le massacre de l’été 1988
L’ayatollah Khomeini a été pris en charge par la France à Neauphle-le-Château et lui a permis sa radicalisation. Une assignation à résidence de près de 1 an ont conduit à l’Iran d’aujourd’hui.
Dans le contexte de la fin de la guerre Iran-Irak, l’ayatollah lance une fatwa politique destinée à purger les opposants politiques, en particulier l’Organisation des Moudjahidine du Peuple Iranien (L’OMPI sont des partisans du Shah) et différentes organisations marxistes. La fatwa touchait autant que les enfants que les femmes enceintes.
Durant l’été 1988, les condamnations à mort furent mises en application de manière intensive pendant près de trois mois. Ainsi, les pendaisons furent cadencées et effectuées de manière très régulière. Le régime pouvait pendre jusqu’à 100 personnes chaque jour dans certaines prisons. Au total, on estime que le massacre de masse organisée par l’Ayatollah Khomeini a permis l’exécution de près de 30 000 personnes. Pour de nombreuses organisations militant pour le respect des droits humains (HCR ou Amnesty), cela constitue un crime contre l’humanité voir d’un génocide.
Les corps ont été déposés dans des fosses communes, dans des cimetières, ou abandonnées à l’errance. Certains de ces charniers furent découverts, d’autres sont toujours inconnus à ce jour. Il s’agit d’une page méconnue de l’Histoire iranienne et remis en cause par le pouvoir officiel. Pendant ce temps-là, de nombreux activistes n’hésitent pas à soutenir la République Islamique d’Iran : Houria Bouteldja ou encore Dieudonné M’Bala M’Bala.
Et Hassan Rohani ?
L’actuel président iranien a pleinement participé à la mise en application du massacre de l’été 1988 comme l’affirme le CNRI (Conseil National de la Résistance Iranienne) :
Hassan Rohani était vice-commandant en chef des forces armées du régime à l’époque. En fait, depuis 1982, il était membre du Conseil suprême de la défense et membre du Conseil central du QG de la logistique de guerre.
A ces postes, il était parfaitement au courant de ce crime monstrueux et, évidemment, l’approuvait pleinement. Cela montre bien que l’idée d’un Rohani modéré est totalement absurde et sans fondement. En fait il comme tous les autres hauts responsables du régime, il est coupable de ce crime odieux.
Erdoğan s’inspirerait-il du massacre de l’été 1988 ?
Le “FETÖ” (Fethullah Terrorist Organisation) Erdoğan serait alors le Moudjahidine de l’ayatollah Khomeini. Les deux termes permettent de regrouper une opposition structurelle au régime, mais aussi de la qualifier de terroristes. Si le FETÖ permet de concerner à première vue, les partisans du gulenisme (Fethullah Gülen), il permet également de concerner l’ensemble de l’opposition d’Erdoğan c’est-à-dire les opposants laïcs, le HDP, le PKK, etc.
En d’autres termes, toutes les personnes ne relevant pas de l’opposition formellement identifiée par le régime turc sont considérés comme des FETÖ, et par conséquent pouvant être potentiellement arrêtées et condamnées.

On passera sous silence le fait que la quasi-totalité de l’appareil d’Etat et des cadres de l’AKP ont été formés par la mouvance de Gülen. Potentiellement, la dernière vague de répression pourrait faire noyer la tasse y compris au propre pouvoir. D’autant que les deux hommes ont été proches l’un de l’autre (voir la photo ci-dessus). La grande question que tout le monde se pose est la suivante : Recep Tayyip Erdoğan est-il ou pas un FETÖ ?
La décision de remettre à l’ordre du jour la peine de mort par pendaison (ou par décapitation comme sur le pont du Bosphore ou par balles) pourrait permettre d’un point de vue organisationnel du régime islamique turc de vider les prisons les pieds devant afin d’éviter une saturation, tout en caressant les bas instincts des partisans d’Erdoğan.
La question de la peine de mort contre tous les FETÖ nécessite une organisation importante. Si l’hypothèse, en matière de droit international, paraît abstraite et totalement caduque, l’action concrète des frères musulmans turcs n’a plus de limites comme nous le constatons depuis le 15 juillet dernier. Le jugement des FETÖ témoignera-t-il de la fin de la République Turque issue du “Kémalisme” ? D’ailleurs, y aura-t-il des jugements impartiaux avec un ensemble de gages ? Le totalitarisme d’Erdoğan montre que non. Alors toutes les conditions sont réunies pour assister à une purge tirée à la corde cette fois-ci.
L’ère nouvelle promue par Erdoğan risque de se faire avec un crime contre les droits de l’homme (ce qui est déjà le cas dans l’Est de la Turquie depuis 2015). Sur ce fondement naîtra sûrement la République Islamique de Turquie. De nouvelles purges seront alors nécessaires contre les athées et les laïcs afin d’homogénéiser l’ensemble, mais surtout répondre au concept de la turcité.
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