Attaque identitaire à mille bâbords
Le 28 octobre dernier, une trentaine de personnes ont attaqué et retourné les locaux de l’association “mille bâbords”. L’objet de la réunion était l’analyse du texte “Jusqu’ici tout va bien?”[footnote] Assemblée en mixité révolutionnaire et non-mixité de classe, Jusqu’ici tout va bien ?, été 2016, https://tuttovabene.noblogs.org/post/2016/07/14/jusquici-tout-va-bien/ [/footnote], suivie d’une discussion sur les méthodes pour s’opposer au racialisme.
Ils sont contre la critique de Bouteldja
Il faut préciser dans un premier temps que le texte d’étude concerne essentiellement le pamphlet antisémite de Houria Bouteldja : Les Blancs, les Juifs et Nous. Ce texte est largement admiré par l’extrême-droite, notamment par Bernard Anthony de l’AGRIF. D’autant que l’admiration vis-à-vis de Houria Bouteldja pour nos révolutionnaires racialistes soulève l’aura de la militante, mais aussi la défense mordicus au point de faire taire toutes les critiques vis-à-vis de cette dernière. Un livre de cette ampleur est fait pour être critiqué, sinon il n’y a aucun intérêt de le lire.
En effet, la trentaine de militants ont affirmé que “la discussion n’aura pas lieu” selon Mille Bâbords. On peut clairement considérer que le fait d’ériger Houria Bouteldja en “Tribun” s’oppose à la vision de l’émancipation de l’être humain. Le fait de vouloir “faire taire” des personnes pour des prises de position (comme celles défendues) s’inscrit dans une logique dangereuse et particulièrement réactionnaire. De même, l’utilisation de la gazeuse contre des militants permet de faire un lien entre l’attaque et certaines méthodes policières. Il s’agit d’un paradoxe supplémentaire. Dans les dégâts du local, le renversement de la bibliothèque reflète la réalité obscurantiste qui traverse les mouvements d’extrême-gauche.
L’utilisation omniprésente du terme “race” dans le livre Houria permet à ces personnes de hurler que “notre race existe”. Ils affirment qu’ils ont une race différente des autres, ils s’inscrivent alors dans la théorie des races du XIXème siècle. Nadine Morano parlait que “la France est un pays de race blanche”, Gilbert Collard “l’Afrique est un pays de race noire”. Il s’agit d’une zemmourisation de la pensée.
Enfin, si Houria Bouteldja est une personne intégrant parfaitement le discours des classes moyennes dans ses livres, elle n’hésite pas à prendre à défendre le prolétariat “racisé”. Le compromis de classe interroge, tout comme la division du prolétariat.
Le plus intéressant est que ce sont des personnes issues du “BDS”, du “FUIQP” qui ont attaqué “mille bâbords” n’ont pas dû voir que l’association parrainait de nombreuses soirées en faveur de la Palestine notamment, et même du Comité Georges Ibrahim Abdallah.
Analyse du tract racialiste
Dans le tract (ci-dessus), ils affirment que “le capitalisme se fonde sur le pillage, l’esclavage et le colonialisme”. Ces termes sont naturellement faux. Historiquement, l’esclavage comme le colonialisme existait bien avant le capitalisme. On prendra comme exemple les colonies romaines et les esclaves de Rome. Sur la question du pillage, on prendra également les différentes conquêtes de l’empire Romain (la destruction du temple de Jérusalem et la saisie des richesses en 70). En conséquence aucune des trois caractéristiques ne permet de caractériser le capitalisme, puisque son existence était antérieure à la naissance du capitalisme.
En citant que “les privilèges des pays occidentaux impérialistes demeurent à un niveau international”. L’opposition entre l’occident et le reste du monde (en particulier l’Orient du fait des différentes guerres en cours) témoigne de cette volonté de mettre en dynamique le choc des civilisations. Mais, le plus étonnant réside dans la phrase qui suit : “nous refusons votre vision européano-centrée et réactionnaire de la lutte”. Le terme “européano-centrée” est sûrement dérivé de celui-ci “européocentrisme”. En l’occurrence, il s’agit d’une tentative de description de l’ethnodifférentialisme à la sauce “racialiste”. Dans le texte, ils font une diatribe contre l’occident, mais juste après ils critiquent que la vision est “tournée autour de l’Europe”, c’est-à-dire l’Occident. N’y a-t-il pas un paradoxe dans la construction de leur critique ?
La synthèse de l’argumentation est énoncée que “nous refusons votre course à l’opprimé et votre incapacité à reconnaître vos privilèges de petits gauchistes blancs de classe moyenne”. On constate qu’il s’agit d’une tirade s’inscrivant typiquement dans le texte Houria Bouteldja. Ainsi, l’association “mille bâbords” est considérée comme une association gérée par des personnes issues des classes moyennes, autrement dit par la petite-bourgeoisie parce que blanche ou supposée comme telle. Il s’agit de l’application “des races sociales” de Boutledja. Ainsi, l’utilisation de “petits gauchistes blancs” paraît intrigante puisque cela reprend souvent la rhétorique identitaire. Quant à “la course à l’opprimée”, on peut dire qu’elle provient en particulier de ceux qui divise le prolétariat pour des intérêts personnels et satisfaire les privilèges de certains. Enfin, le 5 avril 2012, à Sciences-Po, Marine Le Pen a scandé aux antiracistes : “vous êtes des enfants de bourgeois”. Le privilège du racialisme consiste à converger avec l’extrême-droite la plus rance.
En terminant le tract par “nous saboterons toutes vos initiatives”, on peut dire que l’extrême-droite ne pouvait pas trouver mieux comme allié. Marseille est une ville où l’extrême-droite progresse. D’ailleurs, le site FDS s’est fait un malin plaisir de mettre un article à ce propos. Cela n’interroge toujours pas nos racialistes …
En effet, leurs actions s’inscrivent dans une vision communautaire. En effet, ces derniers n’ont absolument pas hésité à diffuser un tract à la hauteur de leur argumentation : “on vous chie dessus bande de racistes réactionnaires négationnistes néo-colons”. Ils arrivent à faire le lien entre la masse fécale et le néo-colonialisme, une sacrée imagination en somme. Il s’agit d’une vision particulièrement immature et surtout profondément dégueulasse. On peine à croire qu’il s’agit de personnes qui font de la “Politique”. La conclusion de ce tract s’accompagne par la caractérisation des anti-racialistes comme des “racistes”, des “réactionnaires”, et même des “négationnistes”. Quand on sait qu’entre un Erdoğan, un Faurisson, un Reynouard, etc. (la clique des négationnistes) et les anti-racialistes, un canyon les sépare, alors on peut dire que finalement, il y a le néant intellectuel d’une certaine manière.
Pierre Cahuc et André Zylberberg ont sorti un pamphlet intitulé “le négationnisme économique” en septembre 2016. Ces derniers affirmaient que les opposants de l’économie néoclassique s’inscrivaient dans un axe négationnisme, faisant in extenso un lien avec ceux qui nient les différents génocides. Ces points de godwin reflètent un antisémitisme structurel et profond. Il en va de même de l’utilisation du terme négationnisme vis-à-vis de l’association “mille bâbords”.
Ils sont soutenus par le collectif “afro-identitaire” MWASI
Cette bourgeoisie identitaire tente désespéramment de trouver des coupables (en l’occurrence le groupe anticapitaliste “Les Enragés”) derrière la critique du racialisme, de la théorie des races, mais aussi de la défense de la bourgeoisie, et in extenso du patriarcat. Il apparaît aussi intéressant que la désignation d’un collectif sans mettre en avant des preuves, montre la faiblesse argumentaire que subit le collectif “Afro-identitaire”. La “Tribu K” de Kémi Séba (proche de Dieudonné) reprend vie doucement. Le patronat et les racistes/racialistes ne pouvaient rêver de mieux, ils ont de petits soldats et soldates pour défendre leur système basé sur le pigment et l’exploitation des femmes et des travailleurs.
Le Soutien de Vosstanie à Mille Bâbords (et la critique du PIR et du PIRisme)
Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Révolution et Libertés en précisant la source et en ajoutant un lien afin de respecter le travail. Pour toute information supplémentaire : revolutionetlibertes@gmail.com