Les “bavardages” de Jean-Luc Mélenchon
Jean-Luc Mélenchon a déclaré dans un entretien à Public Sénat le mardi 11 octobre 2016 que les crimes de guerre ou que la volonté de saisir le TPI n’étaient que des bavardages. La polémique qui s’en suit peut mettre en avant le campisme et son soutien à Bachar Al-Assad.
Dans une vidéo sur chaîne Youtube “La revue de la semaine #2 : Syrie, médias, Orwell, CETA, lobbies, agriculture”, il déclare que
En particulier à Alep où la ville est coupée en deux. Il y a la partie Ouest qui est passée sous le contrôle de l’armée régulière et des Russes, appuyée par les Russes ; et la partie Est qui est armée par les Nord-Américains et qui composent les groupes dit Al-Nostra qui sont une branche d’Al-Qaïda, qui sont les gens qui ont assassiné les journalistes de Charlie Hebdo. Et donc les Russes et le gouvernement Syrien bombardent, bombardent, alors évidemment cela donne ce que tout le monde sait quand il y a des bombardements, c’est-à-dire que les immeubles s’effondrent et les pauvres gens qui sont là, qui n’en peuvent même, car ils sont victimes deux fois ces gens-là. Une première fois, parce qu’ils sont opprimés par les islamistes et une deuxième parce qu’ils sont bombardés. Ces situations sont communes aux périodes de guerres et sont abominables.
Le langage utilisé par Jean-Luc Mélenchon vis-à-vis de la situation à Alep-Est n’est autre que celle utilisée dans le cadre de la propagande russe et du régime syrien. Selon, Jean-Luc Mélenchon, les bombardements viseraient exclusivement les islamistes du Front Al-Nostra. Ce dernier contrôlerait la partie Est de la ville. Dans le fond, nous assistons à une dislocation de ce groupe terroriste, puisque son nom est désormais Front Fatah al-Cham (Front de la conquête du Cham [footnote] Bilad el-Cham est le nom donné à la “Grande Syrie”, c’est-à-dire le Liban, Israël, la Jordanie, la Palestine, l’Irak, le Sinaï et la province de Hatay en Turquie. Ce concept a été créé et développé par le PSNS. [/footnote].
Dans le fond, les bombardements ne visent que les civils, puisque le Front Fatah al-Cham, ex-Front Al-Nostra est une création volontaire du pouvoir syrien pour casser la révolution syrienne. Si cela n’est pas évoqué par les pro-Russes et les pro-Bachars, c’est qu’ils ne veulent pas assumer leur responsabilité dans la mise sur pied de cette organisation terroriste. D’autant que la position de la Russie n’a que pour but que protéger le régime Syrien coûte que coûte. L’installation d’une base navale à Tartous témoigne de cette logique. Ainsi, l’argument du terrorisme ne relève qu’une couverture. Soulignons que les quartiers Kurdes d’Alep sont visés par les milices soutenues par le régime turc de l’AKP.
De plus, Jean-Luc Mélenchon refuse d’affirmer les liens entre le régime Syrien et Daesh. De nombreuses sources affirment que ces derniers coopèrent de manière parfaite. Ainsi, la reprise de la cité de Palmyr, malgré des intenses bombardements ne s’est pas faite à travers des combats acharnés. En effet, Daesh avait l’intention de quitter la zone, puisque la prise de Palmyr et les destructions étaient symboliques.
Qu’est-ce qui est le mieux : le Front Al-Cham, le Hezbollah, Daesh ou les milices de “Bassidj” (iranienne) ? Il s’agit d’une guerre entre groupes islamistes. Jean-Luc Mélenchon préfère-t-il soutenir l’organisation terroriste Hezbollah, ou les milices du régime de Rohani, qui au passage exécutent en masse les Kurdes par pendaison ? Sa prise de position apparaît comme particulièrement dangereuse, combattre l’obscurantisme nécessite de combattre tous les obscurantismes, et non s’allier avec des obscurantistes pour en combattre d’autres.
Considérer que l’opposition en Syrie se traduit uniquement par des Islamistes, c’est nier l’existence, de l’opposition démocratique présente. En effet, cette tentative de déstabilisation des démocrates syriens s’inscrit pour “l’insoumis” comme sa compromission avec Poutine. Le partisan du dialogue avec l’autoritarisme russe qui va de paire avec celui qui cite “mon cher Vladimir” pose des questions de fond, mais sinon renforce cette optique d’un nationalisme de Gauche. En d’autres termes, Jean-Luc Mélenchon se trompe entièrement dans la manière, dont il comprend le conflit Syrien. Si c’est devenu une guerre froide et que le pouvoir russe se croit dans une “Troisième Guerre Mondiale”, c’est avant tout une guerre civile opposant le pouvoir de Damas à la population Syrienne. Mais, la guerre civile syrienne a plusieurs versants comme la lutte contre Daesh ou encore la volonté de la Turquie d’en finir définitivement avec le Rojava. Le régime de l’AKP a créé une guerre civile dans l’Est de son pays depuis 2015.
Notre Insoumis national déclare aussi que
Vous verrez d’ailleurs dans les prochains jours que les mêmes qui poussent des cris à propos des bombardements d’Alep n’en pousseront aucun quand il s’agira de Mossoul, une grande ville Kurde de l’Irak qui est actuellement en phase de préparation à l’assaut, et les Français ont installé l’artillerie. Ce sont les Français qui coordonnent l’artillerie qui va piloner cette ville. Cela m’étonnerait que cette artillerie face le tri entre les civils et les combattants. Bien sûr que non.
Si notre “insoumis national” pense que la guerre est une mauvaise chose, dans une situation de guerre, il faut faire des choix. Ne pas le faire, relève du choix des campistes de ne pas prendre position sur le conflit. Être contre la guerre en temps de paix paraît facile, mais contre la guerre en tant de guerre, plus difficile. La non-intervention militaire à l’évidence aurait été le plus souhaitable, mais dans ce contexte précis pour qui ? Certains affirment, par des slogans que ce sont “nos guerres”, et que les attentats sur notre sol, ce sont “nos morts”. Comment ces personnes peuvent-elles glorifier certains groupes dans la volonté d’en finir avec Daesh, mais de l’autre côté, quand il s’agit d’une bataille décisive contre Daesh, ces derniers condamnent à l’avance l’attaque.
Sur fond de mauvaise foi, il parle de la préparation de la bataille de Mossoul qui se déroule dans le Kurdistan Irakien. Cette ville est contrôlée par Daesh depuis près de deux ans. Mais, il faut souligner le rôle du chef du Kurdistan Irakien autonome : Massoud Barzani. Il exerce son pouvoir sans mandat depuis des années, les élections sont sans cesse repoussées. Il contrôle la région avec une politique depuis 2003.
On peut dire également que les Peshmergas ont été largement soutenus par les puissances occidentales, notamment en matière d’armement, ce qui n’est pas le cas de toutes les forces kurdes combattant Daesh. La question de la division du mouvement Kurde n’est pas soulignée par Jean-Luc Mélenchon quand il les glorifie. Ce contexte précis qui n’est pas celui de Kobanê.
Faire tomber ou ne pas faire tomber Mossoul, telle est la question que l’on doit poser à Jean-Luc Mélenchon. Il faut tout de même souligner que si cette ville tombe, alors il s’agira d’un boulevard vers Raqqa, la ville-clef de Daesh. Effectivement, il y aura des morts, la ville risque de ressembler à un champ de ruines à la fin de la bataille.
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