Le pamphlet racialiste de Houria Bouteldja

livre-houriaCeux qui parlaient que la lutte des classes était terminée et que maintenant, nous étions dans « une lutte des races sociales » se sont manifestement trompés, mais aussi ont détourné la colère de leurs partisans pour des luttes particulièrement identitaires.

Dans le contexte politique, les luttes de ces personnes trouvent un certain écho au sein des classes populaires, mais elles reflètent une position particulièrement ambiguë. Sous couvert de défendre le concept « des races », l’engrenage pousse de nombreux militants à assumer leur attachement à « la théorie des races ». De ce fait, il existe d’après ces nombreux partisans « des races supérieures » et des « races inférieures ». Les racialistes considèrent que les personnes appartenant à la dernière catégorie sont définies comme des « racisés ». Un néologisme qui permet entre autres de créer l’adhésion pleine et entière à des théories issues du XIXème siècle.

Toute la polémique tourne autour de la dialectique fondée par Bouteldja, celle-ci se caractérise par :

“indigène”. “Blanc”. “Race Sociale”. “Champ politique blanc”. “Colonialité du pouvoir”. “Pouvoir indigène”. “Majorité décoloniale” [1].

L’origine du concept des « races sociales » a été décrite par Houria Bouteldja:

Ils nous disent : expansion capitaliste donc lutte des classes, nous répondons : expansion coloniale donc lutte des races sociales [2].

Que représente le « ils » ? Ni plus, ni moins que les personnes luttant contre le capitalisme.

Pour tenter d’expliquer cette manifestation sémantique différente de l’utilisation des prolétaires et des différentes organisations de prolétaires, elle justifie que cela ne tourne pas autour de la question de l’abolition du capital ou de l’affirmation d’une quelconque théorie capitaliste, mais sur un terrain purement identitaire. Cette exacerbation de valeurs n’est en aucun cas celle du camp des travailleurs. Elle produit nécessairement un repli identitaire profond de la part de leurs partisans. Il ne suffit pas simplement d’appartenir à l’extrême-droite traditionnelle pour posséder une dialectique identitaire, il appartient à ceux qui tentent de mettre en avant des valeurs pour montrer des fiertés propres à satisfaire leur « groupe racisé ». Cette contre-révolution se base sur une dialectique que la cheftaine du racialisme français tente de justifier par l’affirmation que

nous n’avons jamais été libres que depuis que ces mots que sont venus nous trouver. Depuis, nous savons qui nous sommes, où nous sommes, nous connaissons nos faiblesses, nous savons notre force. Nous des indigènes de la République [3].

La question de la liberté apparaît dans cette dialectique pour ceux qui se reconnaissent dans le discours de Houria Bouteldja. En écrivant « nous trouver », elle marque un lien très fort entre la recherche de sa propre identité, l’identité collective et la liberté. En l’occurrence, les termes qu’elle définit ne définissent que la caractérisation de l’abandon totale d’une liberté, si ce n’est que celle des capitalistes qui veulent diviser au plus près les prolétaires sur les questions de la « couleur », « des classes sociales », « des nations » ou encore « de religions ». En assumant ce travail plein et entier, la question du « racialisme » prend un essor très important dans les pensées de cette dernière.

Le refus de la société de classe renvoie in extenso à ceux qui affirment que ce concept est dépassé. À ce titre, nombreux sont les bourgeois à promouvoir les politiques d’ajustement structurel, en affirmant que les intérêts du prolétariat sont identiques à ceux de la bourgeoisie. Ainsi, un prolétaire, un petit-bourgeois, un bourgeois suivent une union particulièrement sacrée. Déstructurer la question de la lutte des classes pour promouvoir « la lutte des races sociales » ne fait que se placer sur le champ sémantique et idéologique de la bourgeoisie.

Si Houria Bouteldja reprend la célèbre citation d’Antonio Gramsci : « Le vieux monde se meurt. Le nouveau est long à apparaître et c’est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres » [4]. La philosophie de la praxis développée par le théoricien italien reste en opposition majeure avec le romantisme politique dont fait preuve Houria. De plus, sa volonté de reprendre « le racialisme » pour combattre « le monstre fasciste né des entrailles de la modernité occidentale » poursuit le paradoxe du clair-obscur. Ainsi, fondant la nécessité d’une opposition entre les travailleurs, elle refuse du monde nouveau, et reste bloquer dans l’ancien monde. Les monstres de Gramsci font référence au fascisme, si la position de Houria Bouteldja ne s’inscrit pas dans la logique de Mussolini, son soutien à travers le Parti des Indigènes de la République à différentes icônes intégristes du monde musulman [5]. Alors le monstre peut parfois se considérer comme « progressiste », alors qu’elle est précisément une réactionnaire dont la dialectique se contente de dissimuler les pistes.

Sur la question de la race, Houria Bouteldja tente une tentative d’explication. En effet, la question de la race se traduit par quelques phrases :

C’est ainsi que progressivement, en s’institutionnalisant, la race blanche a été inventée. En fait la race, entre les mains des bourgeois blancs, est un instrument de gestion, entre vos main, un salaire, une distinction. Depuis, ce qui nous sépare n’est ni plus ni moins qu’un conflit d’intérêts entre races aussi puissant et aussi structuré que le conflit de classe [6].

Elle affirme que le conflit entre la race est « aussi » voir plus structuré que les contradictions de classes. On comprend mieux la question de la mise en forme des « races sociales ». En effet, en mettant en premier, le mot « races » devant le mot « sociales », l’affirmation se construit autour de la race.

La question des « races sociales » sous-entend que la lutte des classes se fonde dans la question de la couleur de peau en particulier. Ainsi, les « races sociales » prétendent la structuration d’une société de classes dont la définition se fait autour de la couleur de la peau, et en second lieu, la religion.

La racialisation fait la différence entre le « blanc » et le « non-blanc ». Un prolétaire blanc et un prolétaire non-blanc dans une entreprise, dans la question marxiste restent des prolétaires partageant la même exploitation. Dans la logique racialiste, le prolétaire « blanc » exploite le prolétaire « non-blanc » parce qu’il est « non-blanc ». De ce fait, il y a une affirmation qu’il existe les « non-blancs » sont « des prolétaires plus que prolétaire » alors que « les blancs » sont des « prolétaires embourgeoisés ». Ce non-sens intellectuel conduit une contradiction majeure.

Cette théorie affirme qu’il existe des « prolétaires plus que prolétaire » et des « prolétaires bourgeois ». Le travailleur exploité dans une usine ou un centre téléphonique, s’il est blanc appartient à la logique bourgeoise. Alors que le même prolétaire travaillant dans les mêmes conditions sera considéré comme un « vrai » prolétaire.

Cette contradiction largement assumée par les « racialistes » se concentre en particulier sur le fait que l’homme blanc représente « l’occident », alors que les « non-blancs », ni plus, ni moins que les rejetons de l’occident. On ne peut dire que ces derniers sont d’Orient, du Moyen-Orient ou encore d’Extrême-Orient. En effet, que cela soit en Afrique ou en Amérique, le problème viendrait de l’Homme blanc.

La question de l’Homme blanc pousse Houria Bouteldja a tenté une comparaison avec le système immunitaire. Pour commencer, elle définit ce que représente le système immunitaire :

L’humanisme est l’une des pièces maîtresses de votre système immunitaire. « le système immunitaire d’un organisme est un système biologique constitué d’un ensemble coordonné d’éléments de renaissance de renaissance et de défense qui discrimine le « soi » et le « non-soi ». Ce qui est reconnu comme « non-soi » est détruit. » Ou encore « système complexe de défense de l’organisme contre les maladies ; une des propriétés du système immunitaire est sa capacité à reconnaître les substances étrangères au corps et à déclencher des mesures de défense. [7]

Puis Houria Bouteldja affirme que les blancs sont un système immunitaire :

Cet appareil politico-idéologique, c’est le système immunitaire blanc. De très nombreux anticorps ont été sécrétés. Parmi lesquels, l’humanisme et le monopole de l’éthique. Les plus antiracistes, c’est vous. [8]

Cette citation ne peut que soulever de nombreuses questions. En effet, l’utilisation de la biologie humaine pour tenter de différencier les personnes s’apparente de près comme de loin à une tentative d’eugénisme.

Si Bouteldja tente de prendre l’affirmation que le colonialisme viendrait essentiellement de la question « blanche », elle néglige entièrement les questions du capitalisme et des différents impérialismes qui se font face.

Mon Humanité, je l’ai perdue. En 1492 puis de nouveau en 1830. […] Toutes les périodes ne sont pas d’égale cruauté à mon égard, mais ma souffrance est infinie. Depuis que j’ai vu sur moi s’abattre la férocité blanche, je sais que plus jamais je me retrouverai. […] Je suis une bâtarde. Je n’ai plus qu’une conscience qui réveille mes souvenir de 1492 ». [9]

Le fond du colonialisme ne vient pas de la question de la blancheur, la découverte de l’Amérique a profondément changé la nature profonde de la structure de l’Europe. Mais, Houria Bouteldja dans sa naïveté incroyable que cette découverte fut découverte par Christophe Colombes en 1492. Toutes les dernières recherches archéologiques montrent que les Viking auraient fait du commerce en Amérique vers 1000 ap. JC. dans le cadre de « Vinland ». C’est le nom donné par le Viking islandais Leif Erikson au Canada. Ensuite, si ce sont des détails qui poussent Bouteldja dans une obsession incroyable le répète « ils nous disent 1789. Nous répondons 1492 » [10] . La question de la révolution française en rapport avec la découverte de l’Amérique paraît absurde. En effet, la révolution américaine ne peut que s’opposer à la découverte de l’Amérique. La date est de 1763.

La question de l’Indien d’Amérique revient régulièrement dans les discours comme un symbole de lutte contre le colonialisme. « la seule vraie question c’est l’Indien d’Amérique. Ma blessure originelle » [11]. La question amérindienne prend une tournure particulièrement opportuniste dans sa lutte « racialiste ». Il n’est guère étonnant qu’elle se contente d’affirmer :

“Les Cow-Boys sont les gentils et les Indiens, les méchants”. Sitting Bull a été anéanti par ce mensonge. Le héros de la célèbre bataille de Little Big Horn qui fut assassiné en 1890 ». [12]

Par conséquent, si Karl Marx affirmait en conclusion du manifeste du Parti Communiste que « les prolétaires n’ont pas de patrie. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !». Il sous-entendait qu’importe la nationalité, la religion, l’origine des travailleurs, ils subissent la même exploitation de la part de la bourgeoisie. De ce fait, les travailleurs n’ont pas de patrie, puisque la patrie reste par définition, réactionnaire, obscurantiste et bourgeoise. Cette définition n’a jamais satisfait la racialiste. Puisque en réponse à Karl Marx, Houria Bouteldja aurait répondu que « les travailleurs ont une race ».

Quand on parle d’Occident, on ne fait que l’opposer en contradiction à l’Orient. Dans le fond, l’occidentalisme largement critiquée par cette dernière

La lutte des « races sociales » qu’énonce Houria bouteldja n’est autre qu’une « lutte des races » classique largement répandue dans les réseaux de l’extrême-droite. On peut effectivement affirmer qu’il existe un problème de fond puisque si la colonisation s’est fondée en autre sur la « hiérarchisation des races », Houria Bouteldja en reprend largement la substance.

D’ailleurs, si l’extrême-droite soutient autant la position racialiste de Houria Bouteldja c’est qu’il existe des points de convergence entre le mouvement identitaire et le mouvement racialiste.

La caractéristique importante que pose les racialistes peut se définir comme la volonté de refuser pour certaines catégories de la population d’affirmer ses propres méthodes d’actions contre le racisme. Cette division des travailleurs autour de valeurs identitaires et racialistes ne peuvent qu’être pointé du doigt par les marxistes et leurs collègues anarchistes.

Quand le ou la démagogue utilise tout son art pour devenir une sorte de tribun, il apparaît clairement que la foule ne voit plus la personne comme un-e intellectuel-le, mais comme un sauveur où les mots exprimées sont synonyme de vérités absolues. L’internationale qui unit les travailleurs affirme qu’ « il n’est pas de sauveur suprême ; Ni Dieu, ni César, ni Tribun ». Si les critiques ont du mal à être acceptées par les partisans du racialisme, alors ces critiques demeurent comme un appel à la contradiction. Mais les tribuns y voient une certaine forme de maccarthysme de la part des communistes et des anarchistes [13].


[1] Ibid, Fusillez Sartre, p27

[2] Houria Bouteldja, Les Blanc, Les Juifs, et Nous, Nous les indigènes, p116

[3] Ibid, Nous les Indigènes, p117

[4] Ibid, Fusillez Sartre, p27

[5] Le compte twitter du PIR compte de nombreuses apologie concernant le mouvement islamiste international. Les Frères musulmans d’Égypte, mais aussi des organisations terroristes comme le Hamas à Gaza et Cisjordanie notamment le fondateur Cheikh Yassin ou le Hezbollah au Liban. Voir l’article => Le PIR, une officine d’extrême droite.

[6] Houria Bouteldja, ibid, Vous, les Blancs, p42

[7] Ibid, p38

[8] Ibid, p39

[9] Ibid, Fusillez Sartre !, p26

[10] Ibid, Nous les Indigènes, p116

[11] Ibid, Vous les blancs, p33

[12] Ibid, p34

[13] Article de Bouteldja sur le site du PIR


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