Contre une critique conjoncturelle de l’islamisme

Les critiques de nombreux intellectuels sur la question de l’islamisme semblent se faire dans un cadre conjoncturel. Lorsque les conditions sont favorables (dans le cadre d’un attentat ou d’une attaque terroriste), ils n’hésitent pas à publier de manière commune des tribunes ou des articles communs.
Or, les articles établissant ou essayant une analyse dans le cadre des conjonctures favorables à ce que l’opinion puisse être captée le mieux possible ne peuvent que se faire dans une logique réactionnaire et émotionnelle. Pour tenter de confronter, un courant politique rétrograde venu d’un autre temps, il ne faut pas se situer à son niveau, mais se placer au-dessus.
Pourquoi certains évènements dramatiques rythment la vie intellectuelle de notre pays ? Une question qui trouve des réponses sur leur volonté de s’inscrire dans un processus historique et d’en être au première loge. Un peu comme un commentateur de sport situé au première loge, si son discours est très bien perçue par la foule, ses commentaires peuvent entrer dans l’histoire, mais ses mots ne résument en rien une analyse sérieuse et réfléchie. Il s’agit simplement d’une description d’une scène prise à chaud. De ce fait, il n’est pas faux de constater que ces commentateurs s’inscrivent dans une vision populiste, entretenant régulièrement un petit-commerce très lucratif. L’islamisme et son versant combattif le djihadisme méritent un peu d’abstraction des sentiments pour une réelle critique de fond et profonde.
Il apparaît donc clairement que les attentats ou les attaques ne peuvent rythmer la critique intellectuelle. Ainsi, si les attentats islamistes d’Istanbul, de Suruç, de Bruxelles, de Paris ou Nice, etc. ne peuvent fournir une argumentation fournie.
Nous avons besoin d’un large spectre avec des personnes ayant les mains propres et non tâchées des appels à la haine récurrents, ou de leur business très juteux avec des pays fondamentalistes dont ils appellent au boycott.
Une liste de l’organisation terroriste mentionnant ses différentes cibles est parvenue dans la presse. Les journalistes Léa Salamé, Bernard de La Villardière, ou encore Audrey Pulvar sont visés par ces menaces. Il est vrai que les différentes organisations terroristes craignent en particulier les journalistes et leurs proches du fait des différentes investigations qui sont réalisés sur le djihadisme et l’islamisme. La stratégie de la terre brûlée du terrorisme consiste à véhiculer la peur et la terreur dans une logique de paralysie totale de l’état. Dès lors qu’une partie de la population s’empare de ces différents sentiments, alors les organisations terroristes parviennent à leur fin. Dans le cas contraire, ceux qui utilisent le terrorisme pour faire de la politique comme vision sécuritaire en sont également les grands vainqueurs. Les grands perdants sont ceux qui se sont laissés emparés par cela. On pourrait faire l’état général de la presse, mais il appartient de renforcer la liberté de la presse et notamment de renforcer la sécurité des journalistes particulièrement ceux qui sont indépendants. N’est-ce pas la meilleure manière de lutter contre le terrorisme en offrant davantage de libertés à ceux et celles qui sont menacés ? Le chanteur de Sète disait “mourons pour des idées, d’accord, mais de mort lente” ou encore “et la question se pose aux victimes novices : Mourir pour des idées, c’est bien beau mais lesquelles ?“. Quand un journaliste meurt pour ses idées, il meurt pour la liberté de la presse, s’il peut mourir lentement, il peut aussi mourir brutalement.
Marc Trévidic (ancien juge antiterroriste) affirmait qu’une “idéologie ne se combat pas par le Code pénal” (Humanité 29/01). On pourrait mieux extrapoler l’idée ainsi “une idéologie ne se combat avec le droit, elle se combat avec des idées”. Le 14 juillet 2016, une attaque au camion dans la ville de Nice fait plus de 84 morts. Dans les faits, cette tragédie et ce drame humain nous permettent de confirmer que la volonté de prendre en main par les différents élus du concept de “l’état d’urgence” ne permet en aucun cas l’annihilation d’une menace terroriste. Il s’agit d’une mesure populiste dont les résultats apparaissent particulièrement mauvais. Depuis, le 13 novembre dernier, deux attentats ont eu lieu sur le territoire. Quand bien-même, la législation serait renforcée, cela ne contribue absolument pas à la lutte contre le fondamentalisme.
De plus, la question du terrorisme islamique en France ne peut que soulever des questions importantes sur le lien entre l’amnésie et le terrorisme. Si les élus, principalement de droite tirent à tout-va sur le djihadisme avec pour vocation de renforcer les mesures a priori et a posteriori, on se rend compte que ces mesures ne classent que sur le plan de la répression du crime. Au final ne combattent pas l’idéologie. Pour cause, on peut arrêter toutes les personnes se réclamant d’une idéologie, mais l’idéologie persiste, créant ainsi de nouvelles générations.
En effet, le terrorisme ne date pas d’hier, il est installé depuis des dizaines d’années sur le territoire. Pour cause si la France semble découvrir l’islamisme comme une réalité à partir des attentats de Mohammed Merah. Pour retrouver des traces, il fallait remonter au 8 octobre 2004. À cette époque, le Front islamique français armé (proche du GIA) fait exploser la devanture de l’Ambassade d’Indonésie. Cette attaque a fait 10 blessés.
Toutefois, les premiers attentats islamistes débutent sur le territoire, le 24 décembre 1994 par le détournement du vol AF 8969 par le GIA. Toutefois, en comptant les attentats liés à Carlos et aux différentes organisations palestiniennes, on peut prendre la date du 5 septembre 1973 [1]. La question des dates est discutable. Dans les deux cas, la menace aurait pu largement être anticipée, puisque 20 à 40 ans paraissent une durée importante. Par conséquent, le terrorisme n’est ni nouveau, ni arrivé par hasard. On notera juste que la grande partie des attentats ces dernières années concerne les mouvements indépendantistes, mais les dégâts ne sont quasiment que matériel.
Son développement dans les années 90 témoigne aussi de la montée en puissance des frères musulmans (son objectif originel est la restauration du califat islamique). Ses ramifications dans de nombreux pays permettent à l’organisation de structurer internationalement. En Juin 1983 est créé l’UOIF (Union des Organisations Islamiques de France). Cette organisation s’inscrit dans la ligne des Frères musulmans. À ce jour, elle est la première association musulmane de France. Chaque année, à la Rencontre annuelle des musulmans de France réunissant près de 150 000 personnes. On peut clairement opposer le CFCM (Conseil Français du Culte Musulman) et l’UOIF qui sont deux organisations distinctes [2].
Toutefois, on ne peut pas dire que toutes les personnes qui y vont, sont des partisans de l’islamisme, mais une partie l’est. L’organisation s’est d’ailleurs faite remarquer dans sa participation au côté de LMPT durant le débat au Parlement de “loi sur le mariage pour tous”.
Le véritable problème de l’Islamisme n’est pas sa forme la plus radicalisée qui commet des attentats, mais les organismes qui diffusent l’idéologie en profondeur. Si des liens entre les structures fondamentalistes et les éléments radicalisés existent, ce sont les organismes qui parviennent à toucher le plus de monde. La propagande ne s’articule pas durant les attentats, mais dans le moment entre les attentats.
De ces faits, lutter contre le fondamentalisme religieux, en particulier lié à l’islam peu de temps après des attentats ne peut que faire le jeu même du populisme. Une critique nécessaire et scientifique du fondamentalisme religieux nécessite de séparer l’analyse de toutes réactions comme les émotions. Le progrès en manière d’analyses viendra des concepts de l’école du Portique.
[1] Carlos a théorisé le concept de l’Islam Révolutionnaire.
[2] Les liens entre l’UOIF et le CFCM sont compliqués. Si l’UOIF siège au CFCM, cette dernière avait refusé de participer aux élections en 2011.
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