Quand Manuel Valls voulait interdire une manifestation syndicale
La décision que nous attendions tous est tombée. Le Préfet de Police avec le ministre de l’Intérieur ont décidé d’interdire la manifestation syndicale du 23/06/2016 sur le trajet Bastille-Nation.
Bien qu’au moment où j’écris, il n’y a toujours pas d’arrêté préfectoral, le communiqué de la Préfecture de Police de ce jour n’étant pas un arrêté préfectoral, la manifestation n’est pas interdite. Toutefois, pour être claire, Michel Cadot devra bien émettre son arrêté afin d’éviter un cafouillage total au niveau de l’état.
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La dernière manifestation syndicale interdite par le Préfet de Police fit 9 morts à la Station Charonne, le 8 février 1962. Michel Papon avait par contre autorisé la manifestation de l’OAS.
Face au scandale que prend la tournure de la volonté d’interdire une manifestation syndicale, le ministère de l’Intérieur a imposé un parcours aux manifestants : Bastille-Pont Morland-Bastille. Une manifestation dangereuse en somme, puisqu’elle tourne autours du bassin de l’arsenal avec un Pont à traverser. Le trajet a été modifié, puis-qu’initialement, la manifestation devait passer sur le boulevard Bourdon et donc le Commissariat central de Police du 4ème arrondissement. De vrais génies sont à la Préfecture de Police de Paris et au ministère de l’Intérieur.
D’un point de vue mathématique, la place de la Bastille sera largement débordée. Il s’agit d’un rassemblement statique mobile, ou d’une manifestation sous forme de nasse géante. Comment les personnes pourront sortir, puisqu’on se doute bien que l’ensemble du trajet sera entièrement encadré par des CRS. Pour pimenter le tout, le Préfet a prévu des canons à eau sur le parcours, il fait chaud, mais on se doute bien que ce n’est pas pour rafraichir les manifestants.
Bref, tout est fait pour que la manifestation dégénère, c’est exactement ce que veut le gouvernement.
Pour critiquer la menace d’interdiction de la manifestation de la part du gouvernement, un rassemblement est prévu sur la Place de la République.
L’arrêté n°2016-00689 interdit les manifestations sur la Place de la République du 21 au 22 juin 2016. Or, un rassemblement est prévu sur la place pour “la liberté de manifester” entre 18h30 et 22h00. L’horaire du rassemblement plus ou moins spontané est concerné par l’arrêté préfectoral. De ce fait, le rassemblement pour le droit de manifester est interdit. Les manifestants de mai 68 auraient alors scandé “il est interdit d’interdire”. Les libertés publiques sont menacées. Mais, cette décision prise le 21 juin ne pensait pas qu’un rassemblement en parallèle à Nuit Debout allait avoir lieu. Toutefois, cela montre l’attitude franchement ridicule de la Préfecture de Police et du Préfet de Police.
La Préfecture dans ses motivations affirme qu’il existe “des groupes composés d’individus violents et très mobiles”. Cela permet l’argumentation du troisième et quatrième paragraphe. La référence aux Blacks Blocs est soulignée par Michel Cadot, les affrontements y sont méticuleusement argumentés. Dans son mémoire, on constate la volonté de provoquer en affirmant que “sont perpétrées des atteintes graves aux personnes et aux biens entrainant de nombreux blessés en particulier au sein des forces de l’ordre”. Les différentes Medical Teams au sein des manifestations ont comptabilisé plus de 2 000 blessés depuis le début du mouvement contre la Loi-Travail. Le va-t-en-guerre du gouvernement et ses provocations incessantes pourra-t-il passer sous silence la réalité ? Non. La réalité est que la stratégie de Manuel Valls s’appuie sur une politique de l’usure, mais aussi de la tension permanente.
Les effets du droit sur les interdictions de manifestation ou de rassemblement sont toutefois intéressants à analyser. En effet, on constate que si l’argument du maintien de l’ordre est évoqué pour interdire une manifestation, il reste qu’une manifestation déclarée est plus facile à gérer qu’une manifestation interdite, car les manifestants viennent tout de même s’exprimer. Autrement dit, il n’est pas dans l’intérêt de la Préfecture de Police d’interdire une manifestation jugée sensible, puisque cette dernière ne peut que déborder et terminer en affrontement. Ces deux derniers éléments, c’est ce qu’elle veut éviter, mais finalement, elle le provoque par son obsession à croire que l’ordre public se gère par des lois, des décrets ou des arrêtés. La réalité de la lutte passe évidemment au-dessus du cadre juridique. Concrètement, les effets que produit le droit ne sont pas ceux souhaités. De ce fait, si le Préfet interdit une manifestation, que la manifestation a tout de même lieu et que cette dernière dégénère, alors il est de la responsabilité du Préfet sur la dégénération de la manifestation. En définitif, interdire une manifestation ne permet en aucun cas d’empêcher les manifestants de s’exprimer. Au pire, ils écoperont d’une amende de 11 euros.
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