Jean Tirol, Prix de la Banque de Suède, et alors ?

Jean Tirol

Beaucoup de personnes essayent de nous faire avaler que le prix Nobel d’économie existe et que les personnes qui auraient reçu ce prix devraient être gratifiées plus que les autres économistes.

Pourtant ce prix n’existe pas, il s’agit du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel créé en 1969. D’autant que la Banque de Suède est l’une des plus anciennes banques centrales du monde, mais aussi une des plus grandes du Monde.

Toutefois en termes d’idéologie politique et économique, j’ai un désaccord majeur avec Jean Tirol, mais ce n’est pas pour autant qu’il n’est pas une personne compétente, il a tout de même obtenu le prix Claude Lévi-Strauss en 2010, médaille d’argent et d’or du CNRS en 2002 et 2007.

Le lien entre la collusion de l’économie et du monde financier est dès lors totalement assumé. Il n’y a qu’à voir également, les analyses partiales de la Banque de Suède pour choisir les économistes ainsi on remarque que le nombre d’économistes américains ayant reçu cette distinction représente plus de 80 %. Puis seul les économistes de treize pays (l’Union Soviétique n’existe plus) différents figurent parmi le tableau. On constatera surtout que ces économistes font partie des pays du nord (en termes de zone économique), cela doit nous interpeller fortement de la manière dont le Nord essaye de tenir en grippe le Sud.

Mais est-ce que l’on accorde autant de poids au prix d’une autre banque centrale rendant hommage à une personne emblématique ? Évidemment que non, les citoyens sont par conséquent entièrement dupés. Ils pensent être face à un “Nobel” alors qu’il ne l’est pas. Cette duperie est vraiment insupportable, de plus elle est instrumentalisée par une petite minorité.

Ainsi pourquoi les journalistes, les hommes politiques essayent de nous faire avaler de plus en plus ce prix comme une chose d’excellence ? Une question qui mérite parfois d’être creusée, d’être approfondie. Il y a un intérêt un peu plus vicieux, en effet ce prix tend souvent à influencer la politique, puisque l’économie sans la politique est une chose tout à fait absurde. Mais aussi récompense les économistes en grande majorité néoclassiques pour leurs travaux, c’est autant dire le néolibéralisme qui est souvent récompensé de la part de leur mentor en économie.

De fait, il s’agit entre autre d’un moyen de faire pression sur les politiques actuels à travers un argument d’autorité pour les obliger à aller plus loin et de poursuivre dans la ligne totalement destructrice. On dit souvent que les économistes néoclassiques n’ont pas de pied à terre et ne vivent pas dans la vraie vie, mais derrière des calculs plus ou moins abstraits, dont l’erreur est de rester fondamentalement dans la théorie et ne pas s’apercevoir que leur théorie est un vaste échec sur le plan pratique. Lénine affirmait que “La pratique précède la théorie” quand la pratique est un échec répété, c’est que la théorie est mauvaise même si cette dernière a évolué. Il y a les chiffres et il y a la réalité.

Ensuite, on peut dire que la politique de Manuel Valls ne passe pas inaperçue dans ces propos, si ce n’est que ce dernier se sent totalement rassuré quand économiste vient d’affirmer que ses propos seraient justes. Ainsi, c’est un gage qu’il a de continuer dans une voie totalement absurde qui ne fonctionne pas. L’austérité génère de l’austérité, une augmentation de la dette, une augmentation des déficits publics. Qu’importe qu’un grand économiste vienne de valider ses plans, mais ce n’est pas pour autant que ça marchera, il en est de même pour Manuel Valls, toutefois il faut aller plus loin, puisque d’autres groupes d’opposition pratiquent la politique néolibérale. Par conséquent il en est de même pour Bruno Lemaire ou Nicolas Sarkozy à l’UMP ou encore Marine Le Pen au FN, c’est la ligne néoclassique qu’il faut remettre en cause.

Aussi en économie, il existe des modèles, “des” suppose qu’il y a plusieurs “modèles” et non un modèle bien précis comme on essaye tant de nous le faire comprendre. Le taux d’erreur d’un modèle peut être assez impressionnant, par exemple celui de la Bank of Japan (BoJ) a propos de la croissance japonaise, actuellement elle est de 0,5 % réellement contre ce qui était prévu de 1,4 % au niveau du Japon. Quand on sait la machine à billets qui fonctionne à plein régime et un endettement supérieur à 200 % du PIB, il y a de quoi s’inquiéter, de fait le modèle néoclassique demande de large sacrifice, pour des résultats très faibles voir insignifiants et surtout une paupérisation grandissante de la population.

Dans le cas de Jean Tirol, on se rend compte que ces idées politiques restent dans la pure logique néoclassique, celle qui nous a entre autre envoyé au pied du mur depuis 2007. Ce monsieur défend : le contrat unique à travers la suppression du CDI et du CDD, une taxe sur les licenciements, en échange d’allègements de charges et d’une simplification réglementaire pour les entreprises. Pour le “marché du travail” (les travailleurs sont considérés à ce titre comme des marchandises), il avait affirmé que :

Depuis 30 ans, 40 ans, il y a du chômage et les jeunes, on leur propose des CDD dans leur très grande majorité parce que les entreprises ont trop peur de donner des CDI. Donc, on a une situation complètement absurde qui est qu’à force de trop protéger les salariés, on ne les protège plus du tout. Ce n’est pas un hasard que toute l’Europe du Sud, qui a exactement les mêmes institutions du marché du travail, s’est retrouvée avec beaucoup de chômage alors que l’Europe du Nord, la Scandinavie par exemple, qui a un système différent, se retrouve avec assez peu de chômage.

Or, comme chacun le sait, et cela ne surprendra personne, la controverse keynésienne s’est transformé par le retour en force de l’économie classique que l’on a appelé “néoclassique”. Est-ce un hasard si cette économie crée un chômage de masse ? Non, c’est une conséquence même de l’économie néoclassique, l’automation est en grande part responsable du chômage. Sur mon blog, j’avais cité du Léon Blum à propos de ce mécanisme bien distinct : “En attendant que l’industrie universelle se soit adaptée aux procédés nouveaux, des centaines d’usines seront condamnées au chômage“. La technologie permet de remplacer l’ouvrier par un outil ou d’augmenter le rendement de l’outil utilisé par l’ouvrier, c’est l’augmentation de productivité par personne qui génère le chômage à long terme. Ce que l’on faisait il y a un siècle avec 50 personnes ou plus, il en faut une personne actuellement, le meilleur exemple à cela est la pelleteuse, sans pour autant que le métier soit supprimé.

Alors sur le marché du travail, si la technologie permet de produire avec un minimum de personnes, cela est censé à terme augmenter la productivité des entreprises mais surtout augmenter le nombre de chômeurs. Ceci n’est pas un problème du marché du travail. D’ailleurs le chômage est à 10.3 %, c’est-à-dire qu’en pourcentage sur la population, il n’a pas dépassé son record historique. Mais entre autre, les raisons du chômage s’expriment surtout par le mécanisme de crise systémique que nous rencontrons et la théorie du “laisser-faire”. On laisse faire, on aide les entreprises, mais ces dernières n’utilisent pas les aides à bon escient puisqu’une grande partie sont intégrées directement dans le profit sans que son objectif serve à ce que cela doit être. D’autant que les baisses de cotisations sociales, d’impôts ou des différentes taxes n’amènent en rien la croissance, puisque techniquement le profit ne change pas. C’est surtout les actionnaires qui en tirent des bénéfices. On le voit pour le CIR ou le CICE, sans parler du scandale que cela représente.

Pour la baisse des cotisations sociales patronales, il me semble que cela entre dans le lien directe avec la politique déflationniste que nous subissons actuellement, puisque la baisse de cette dernière va immédiatement dans le profit et les dividendes. Autrement dit, elle quitte l’économie réelle pour l’économie virtuelle. Je ferai un article sûrement plus détaillé à ce sujet. dans les mois qui suivent.

Une entreprise a besoin par ailleurs d’un carnet de commandes, sans carnet de commandes elle est vouée à la faillite et avec un licenciement de son dernier. C’est ce que l’on voit en ce moment, puisque le consommateur est surtout paniqué et qu’il préfère économiser que d’agir directement sur l’économie.

Mais, l’exemple de nos voisins allemand mérite entre autre une démonstration de force de remise en cause de cette théorie, puisqu’au delà des 5 % de chômage, c’est un pays qui s’effondre sur le plan de l’investissement public et privé, de la natalité, etc. Pour terminer, quand à la Grande Bretagne ou les États-Unis où la machine à billet fonctionne à plein régime, le risque principal reste que la valeur d’usage de la monnaie peut changer du jour au lendemain. Autrement dit lorsque les monnaies vont s’autoréguler et retrouver leur vraie valeur alors cela fera très mal, puisque cela va générer de l’inflation voir de l’hyperinflation saignant les peuples et mettant les gouvernements au pied du mur. Keynes affirmait :

La monnaie n’a d’importance que par qu’elle permet d’acquérir. […] Il suit de là qu’une modification de la valeur de la monnaie, c’est-à-dire du changement des prix, n’importe à la société que pour autant son incidence se manifeste de manière inégale [1].

Ainsi, il est à signaler que la valeur de la monnaie peut baisser ou augmenter, cela aura des conséquences assez directes sur les personnes. Mais cela ne peut avoir aucune conséquence sur l’économie et empêcher toute forme de croissance comme c’est le cas pour le Japon cité ci-dessus. Il est important aussi d’émanciper notre monnaie à ce jour de valeur de référence c’est-à-dire le dollars. Il faut trouver une autre valeur stable qui n’est pas soumise à la machine à billet.

Bref, Jean Tirol a le prix de la Banque de Suède pour l’année 2014 … ça ne changera rien … la bourgeoisie continuera de se gaver sur les travailleurs et le chômage continuera d’augmenter.


[1] John Maynard Keynes, Sur l’économie et la Monnaie,

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