Un Podemos à la Française

22869Podemos (nous pouvons) est un parti politique espagnol issu du mouvement 15M (les indignés espagnols). Pablo Iglesias Turrión a lancé ce mouvement le 17 janvier 2014 qui s’est transformé en parti politique le 11 mars 2014. Pour un mouvement anticapitaliste, il devient la quatrième force en Espagne après les élections européennes (en fonction du nombre de voix). L’objectif essentiel est de redonner un sens à la démocratie et de la remettre en avant de la manière la plus claire possible. Le parti redonne, de ce fait, espoir à la gauche en Espagne. Le mouvement citoyen refait briller les cœurs et permet de croire à un véritable changement anticapitaliste, progressiste et démocratique.

Le camarade Nicolas Poitier a affirmé que le changement passe par la podemosation de la politique de gauche dont le fond peut se comprendre par ce texte :

Pour parvenir à créer du neuf, il faut le faire sans faire appel aux structures existantes. Ce n’est pas à des anticapitalistes que je vais apprendre que la solution ne viendra pas du réformisme et que la rupture se doit d’être franche. Aussi, je ne vous engage pas à faire pression sur vos organisations, mais plutôt à penser et construire notre mouvement et ses outils physiques et virtuels ensemble. Pas besoin de référer à une quelconque hiérarchie, nous n’en voulons pas. Pas besoin non plus d’attendre de nos instances qu’elles nous autorisent à nous organiser, ni qu’elles abandonnent leur pouvoir ou favorisent nos initiatives. C’est à nous de faire et personne ne le fera pour nous. L’idée n’est pas de détruire ce qui existe, pas même de faire de l’ombre à des partis politiques, des organisations syndicales ou des associations, mais de construire des outils transverses de débat, d’échange, de coordination et d’action qui transcendent les organisations existantes.

Le camarade annonce qu’

Il paraît maintenant urgent aux yeux de nombre d’entre nous de nous Podemosbiliser afin de refonder l’ensemble de nos structures militantes vers plus de démocratie, plus de souplesse,dans un dépassement des structures traditionnelles de partis politiques, d’associations, de syndicats ou même de squats et d’entreprises autogérées.

Alors que dans le même temps, il apparait clairement qu’il tente de le relier avec le Front de Gauche. Nous entrons dans le premier paradoxe du document, puisque créer du neuf en dépassant « les structures actuelles » mais tout en se basant sur la structure existante.

Dernier point avant d’en finir pour l’instant et de vous donner rendez-vous en septembre (ou au moins mi-août pour cause de vacances) afin de faire un point sur l’action à entreprendre à la suite de la déception que provoquera nécessairement la journée du 6 septembre au front de gauche.

Je crois que la création d’une nouvelle structure me parait un peu abstraite. Je vais le développer.

L’outil actuel au sein de la Gauche radicale est le front de gauche. Face à la dérive totale de la politique du secrétaire national du PCF au sujet des différentes élections, un malaise est plus qu’évident autant au niveau des militants du Front de Gauche qu’au sein des militants du PCF. Pierre Laurent ne souhaite pas rompre avec la deuxième droite, car selon lui la crise est d’une ampleur telle qu’il faut le maximum d’élus communistes. Cela passe par un jeu d’alliance particulièrement nuisible pour le mouvement de la Gauche Radicale. En effet, le PCF ne peut s’allier à ceux qui font du patronat le seul partenaire social. Le Front de Gauche se meurt lentement, la crise entre le PCF et le PG des élections municipales aura lieu à nouveau à l’heure des élections sénatoriales. Nous ne pouvons plus continuer dans cette voie, elle nous mènera dans l’impasse et la stérilité.

Au moment où la souffrance des populations s’aggrave, il faut changer la stratégie du fond comme de la forme. Les alliances avec le PS doivent être enterrées au plus grand malheur des opportunistes. D’autres formes d’organisation sont nécessaires, nous avons cru dans la formation de Syriza, mais il est à penser que le Front de Gauche n’est pas assez mûr pour se lancer dans une telle bataille et une telle organisation. La progression du Front de Gauche lors des élections européennes a été faible, mais elle porte en elle un potentiel qui n’a pas encore été pris en compte.

Alors que faire pour réussir un grand mouvement citoyen profondément anticapitaliste ? les conversations portant sur le bilan de l’ensemble des élections de l’année 2014 doivent ouvrir sur quelque chose de nouveau.

Les visions de Podemos tendent vers la phrase “prenons le pouvoir”. Cette phrase a été le slogan du Front de Gauche au cours des campagnes pour les élections présidentielles, législatives, municipales et européennes. Toutefois, le lien entre le peuple et le pouvoir est particulièrement différent entre le Front de Gauche et Podémos.  L’un met en avant une démocratie participative et l’autre une démocratie directe. Dans un moment où les forces réactionnaires prennent de plus en plus d’importance et que sa parole se libère, une ambition particulièrement haute doit pouvoir guider nos choix politiques, nous redonner espoir et remettre en avant le bonheur au sein de la société que nous voulons. La crise du présidentialisme nous interpelle tous et nous lance la question d’un changement de fond. Les réformettes de surface ne suffisent plus. La crise économique est aussi une crise politique d’ampleur. Cela passe par la transformation progressive des militants dans leur approche même de la politique.

La forme de démocratie la plus absolue peut en effet bloquer toute forme de réaction, la petite-bourgeoisie et la bourgeoisie se trouveront de fait réellement en minorité même si la France compte le plus de millionnaires en Europe. Le peuple aura bien le pouvoir, mais ce sont particulièrement les classes populaires qui disposeront de la quasi totalité de ce pouvoir.

Or, rien n’empêche de faire du Front de Gauche, le Podémos Français. En effet, l’idée d’incorporer la société civile dans ce grand projet prendrait alors de l’ampleur. En effet, le projet du Front de Gauche ne demande pas d’être encadré dans un des partis qui constituent ce rassemblement. Au contraire, le Front de Gauche est un projet ambitieux dont la forme n’est pas rigide. Au contraire sa formule souple permet de faire évoluer le Front de Gauche dans la manière qui lui convient le mieux pour combattre le capitalisme.

Mais j’aimerais revenir sur l’outil FORUM. Celui-ci ne doit être la propriété d’aucune “marque”, d’aucun parti, d’aucune organisation, sans quoi, il perd tout son intérêt et valide la position de censure à priori pour la raison qu’il engagerait l’organisation ou les organisations dont les logos figureraient dessus.

L’idée du Forum est en soi une bonne idée, mais cela fait clairement référence aux assemblées qui discutent ensemble de la ligne politique locale et cela de façon clairement autonome. Pour ma part, je crois que la plateforme la plus adaptée à ce que le camarade recherche reste : n-1.cc pour une raison simple, il intègre forum, micro-bloging, groupe de travail et des pads. L’outil avait été mis en avant pour couper la logique de facebook et du mercantilisme qui l’anime.

Les assemblées locales entrent ainsi dans le fond du problème qui est soulevée. Certains y voient une forme d’anarchisme, je ne crois pas, c’est une autre forme d’organisation populaire mais elle peut-être particulièrement proche du parlementarisme. En effet, l’anarchisme se fonde sur une société fédérale qui n’est pas le cas actuel d’un point de vue historique. Les premières mesures de la révolution bourgeoise de 1789 mettent en avant une forme précise de la République, « La Convention nationale déclare que la République française est une et indivisible ». Le fait que la République est unie et indivisible renvoie à la forme d’un pouvoir central, où chacun dispose des mêmes droits et des mêmes devoirs, la République ne peut-être morcelée de quelques façons que ce soit.

La Constitution du 24 juin 1793 appelée aussi Constitution de l’An I, célèbre pour sa seconde version de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen prévoyait :

Article 2. – Le peuple français est distribué, pour l’exercice de sa souveraineté, en Assemblées primaires de canton.

Article 11. – Les Assemblées primaires se composent des citoyens domiciliés depuis six mois dans chaque canton.

Article 12. – Elles sont composées de deux cents citoyens au moins, de six cents au plus, appelés à voter.

Article 13. – Elles sont constituées par la nomination d’un président, de secrétaires, de scrutateurs.

Mais aussi, en mettant en avant les assemblés “primaires”, cela permet de faire le pont avec le passé, on ne peut recréer quelque chose de tout neuf sans pour autant renier le travail effectué par d’autre. Je sais que Maximilien de Robespierre n’est pas forcément bien vu à cause de la diabolisation dont il fait l’objet depuis un certain nombre d’années et notamment à travers “la Terreur”. Pourtant les Montagnards ont largement innové en sortant de l’ancien régime vers un des régimes les plus démocratiques qu’il soit.

La question de la souveraineté est également posée. Quelle souveraineté voulons-nous ? Une souveraineté qui met le peuple de côté ou une souveraineté populaire ? La constitution de la Vème République définit dans son article 3, la question de la souveraineté : “La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum.” Or, la souveraineté doit s’exercer non au travers des “représentés” mais par le peuple lui-même.

En même temps, ces assemblés laissent une large possibilité à l’Assemblé Nationale que nous pourrons établir sous la forme d’un Congrès.

 Alors quel Podemos voulons-nous ?

S’abonner
Notification pour
guest

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
0:00
0:00