Il y a 100 ans, Jean Jaurès était assassiné au café le croissant.
Il y a 100 ans, le jeune nationaliste Raoul Vilain assassinait jean Jaurès de sang froid par trois balles, il était 21h40. Une des balles se lustra à l’intérieur du bar.
C’est le moment de revenir encore une fois sur le tribun socialiste, un pilier du socialisme à la française. Dans une époque où la droite sociale, la droite néolibérale et l’extrême droite essayent de dénaturer son message pour le récupérer. Réaffirmer l’existence de Jaurès de son parcours politique, de son socialisme et de son amour pour la République.
Les politiciens seront présents dont le président de la République à la cérémonie. La dépouille de Jean Jaurès repose certes, au sein du Panthéon à côté d’Émile Zola et de Victor Schœlcher, mais cela ne permet en aucun cas ne rônier son Œuvre et surtout sa philosophie.
Sang-froid nécessaire (dernier article de Jean Jaurès)
Que l’on mette si l’on veut les choses au pire, qu’on prenne en vue des plus formidables hypothèses les précautions nécessaires, mais de grâce qu’on garde partout la lucidité de l’esprit et la fermeté de la raison. À en juger par tous les éléments connus, il ne semble pas que la situation internationale soit désespérée. Elle est grave à coup sûr, mais toute chance d’arrangement pacifique n’a pas disparu. D’une part il est évident que si l’Allemagne avait eu le dessein de nous attaquer, elle aurait procédé selon la fameuse attaque brusquée. Elle a au contraire laissé passer les jours, et la France comme la Russie ont pu mettre à profit ce délai, l’une, la Russie, pour procéder à une mobilisation partielle, l’autre, la France, pour prendre toutes les précautions compatibles avec le maintien de la paix. D’autre part, l’Autriche et la Russie sont entrées en négociations directes. La Russie demande à l’Autriche quel traitement elle réserve à la Serbie.
L’Autriche a répondu qu’elle respecterait « son intégrité territoriale ». La Russie estime que ce n’est pas assez, qu’il faut en outre que « les droits de souveraineté de la Serbie soient garantis ». La conversation est engagée. Même si un désaccord se précise entre les vues de l’Autriche et celles de la Russie, on pourra mesurer l’écart des idées et s’employer à la solution d’un problème dont les données seront déterminées. C’est alors, semble-t-il, que pourra intervenir cette pensée médiatrice de l’Angleterre qui cherche sa forme, ses moyens d’expression, mais qui finira bien par prévaloir, car elle répond au sentiment profond des peuples, et sans doute au désir même des gouvernements qui sentent monter vers eux comme un châtiment, ce péril de guerre avec lequel un moment ils avaient cru jouer comme un instrument diplomatique. Et si l’on juge de ce que serait la guerre elle-même et des effets qu’elle produirait par panique, les sinistres rumeurs, les embarras économiques, les difficultés monétaires et les désastres financiers que déchaîne la seule possibilité du conflit, si l’on songe que dès maintenant il faut ajourner les règlements d’échéance et se préparer à décréter le cours forcé de petites coupures de billets de banque, on se demande si les plus fous ou les plus scélérats des hommes sont capables d’ouvrir une pareille crise. Le plus grand danger à l’heure actuelle n’est pas, si je puis dire, dans les événements eux-mêmes. Il n’est même pas dans les dispositions réelles des chancelleries, si coupables qu’elles puissent être ; il n’est pas dans la volonté réelle des peuples ; il est dans l’énervement qui gagne, dans l’inquiétude qui se propage, dans les impulsions subites qui naissent de la peur, de l’incertitude aiguë, de l’anxiété prolongée. À ces paniques folles les foules peuvent céder et il n’est pas sûr que les gouvernements n’y cèdent pas. Ils passent leur temps (délicieux emploi) à s’effrayer les uns les autres et à se rassurer les uns les autres.
Et cela, qu’on ne s’y trompe pas, peut durer des semaines. Ceux qui s’imaginent que la crise diplomatique peut être et doit être résolue en quelques jours se trompent. De même que les batailles de la guerre moderne, se développant sur un front immense, durent sept ou huit jours, de même les batailles diplomatiques, mettant maintenant en jeu toute une Europe et un appareil formidable et multiple de nations puissantes, s’étendent nécessairement sur plusieurs semaines.
Pour résister à l’épreuve, il faut aux hommes des nerfs d’acier, ou plutôt il leur faut une raison ferme, claire et calme. C’est à l’intelligence du peuple, c’est à sa pensée que nous devons aujourd’hui faire appel si nous voulons qu’il puisse rester maître de soi, refouler les paniques, dominer les énervements et surveiller la marche des hommes et des choses, pour écarter de la race humaine l’horreur de la guerre. Le péril est grand, mais il n’est pas invincible si nous gardons la clarté de l’esprit, la fermeté du vouloir, si nous savons avoir à la fois l’héroïsme de la patience et l’héroïsme de l’action. La vue nette du devoir nous donnera la force de le remplir. Tous les militants socialistes inscrits à la fédération de la Seine sont convoqués dimanche matin, salle Wagram, à une réunion où sera exposée la situation internationale, où sera définie l’action que l’Internationale attend de nous. Des réunions multipliées tiendront en action la pensée et la volonté du prolétariat et prépareront la manifestation assurément magnifique qui préludera aux travaux du Congrès international. Ce qui importe avant tout, c’est la continuité de l’action, c’est le perpétuel éveil de la pensée et de la conscience ouvrières. Là est la vraie sauvegarde. Là est la garantie de l’avenir.