L’Affaire Vincent Lambert

Le cas de Vincent Lambert marque les deux visions radicalement opposées au sein de la société française. D’une part, la femme de Vincent est pour l’arrêt du traitement conduisant irrémédiablement à la mort de la personne quant aux parents de Vincent Lambert sont pour le droit à la vie.

Vincent (je me permets de l’appeler par son prénom) est une personne tétraplégique en état végétatif.

L’arrêt du Conseil d’État donne raison à Rachel Lambert, l’épouse de Vincent

Dans un premier temps, le Conseil d’État avait demandé la suspension du traitement, une grande victoire pour la femme de Vincent.

Mais, ses parents par l’intermédiaire de son avocat proche de la manif pour tous a déclaré : « Elle pleure toutes les larmes qu’une mère peut pleurer ». Si pour des parents la situation n’est pas facile, il en convient d’abréger les souffrances du premier concerné. Me Jérôme Triomphe, annonçait que la décision revêtait « un jour funeste ». Loin de constater le climat de cet arrêt, une partie de la famille de Vincent Lambert fait partie de la mouvance catholique dite « traditionaliste ». Sa mère est proche de la Fraternité Saint-Pie-X. C’est par leurs idées intégristes qu’ils agissent dans ce dossier. Ainsi dans sa requête en référé-liberté du 13 janvier Jérôme Triomphe écrit que « Kariger se comporte comme le propriétaire de Vincent Lambert, qui est en réalité pris en otage par ce médecin qui refuse d’en lâcher la charge ». Toujours, selon eux, le CHU de Reims le maltraite et le Conseil d’État n’a pas tenu compte du fait que Vincent Lambert ait « retrouvé le réflexe de déglutition [action d’avaler] ».

Me Jérôme Triomphe est par ailleurs défenseur du mouvement intégriste Civitas. Ses liens avec Riposte catholique, Salon beige, Radio Courtoisie sont de nature évidente au vu des informations qui y circulent en ce moment. Cela en dit long sur la nature politique, et même religieuse pour certains, que prend le combat à laisser Vincent comme un légume sans chance de pouvoir s’en sortir. D’ailleurs, Alliance Vita (une organisation également intégriste) a manifesté hier contre l’euthanasie des personnes âgées et dépendantes. Ce n’est pas un hasard, si la mouvance traditionaliste tente de récupérer le cas de Vincent Lambert. Anti-pacs, anti-mariage gay, anti-ivg, le combat d’une frange radicale de la population se sert de la souffrance de certaines personnes et même parfois contre leur volonté ce qui est le cas de Vincent.

Les Associations familiales catholiques (AFC), fidèles à elles-même ont annoncé qu’une « telle décision remet gravement et profondément en cause l’humanité de notre société et altère durement la confiance que les Français pourraient avoir dans la justice, dont ils attendent qu’elle les protège quel que soit leur état de santé ».

Ensuite, la position des parents reste tout de même largement contraire à la position de Vincent avant son accident. Sa femme a annoncé à propos de l’arrêt : « c’était une étape importante et cruciale et effectivement la volonté de Vincent a été entendue ». Le neveu de Vincent Lambert a annoncé suite à l’arrêt que « la loi Leonetti n’est pas suffisante [...]. Ce n’est même pas une loi, pour moi, c’est un protocole de soin ».

L’ensemble de la décision est appliqué uniquement au cas de Vincent Lambert, « Cette décision n’est pas une validation d’un acte euthanasique, mais le refus de l’acharnement thérapeutique » a rappelé le député UMP Jean Leonetti (du même nom que la Loi).

Le maintien en vie de manière artificiel constituait alors un acharnement thérapeutique, or comme souligne le rapporteur, M. Lambert « avait, avant son accident [en 2008], clairement et à plusieurs reprises exprimées le souhait de ne pas être artificiellement maintenu en vie ».

On en oublie souvent le rôle des équipes médicales dans cette histoire. En effet, peu de personnes se rendent compte de la difficulté de s’occuper d’une personne sans possibilité d’amélioration voir la dégradation au jour le jour. Que ce soit au niveau des toilettes, du traitement et autre, le personnel souffre intérieurement. Le personnel médical si bien formé, si bien faire la partage des choses entre le domaine privé et le domaine du travail, peut parfois être confronté à des décisions difficiles. Face à la décision du la cours européenne, Eric Kariger le médecin de Vincent Lambert avait prévenu que « Ce serait, pour mon équipe, le délai de trop ». Le temps passe et une frustration se crée au sein de l’équipe médicale.

Le Conseil d’État dans son communiqué de presse a indique que « cette décision concerne exclusivement la situation de M. Vincent Lambert. Le Conseil d’État précise en effet que la circonstance qu’une personne soit dans un état irréversible d’inconscience ou, à plus forte raison, de perte d’autonomie la rendant tributaire d’un mode artificiel d’alimentation et d’hydratation ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite de ce traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l’obstination déraisonnable. Chaque cas particulier doit faire l’objet, sur la base des éléments médicaux et non-médicaux le concernant, d’une appréciation individuelle en fonction de la singularité de la situation du patient. »

La cour européenne des droits de l’homme a suspendu entre temps l’arrêt du conseil d’état.

L’acharnement thérapeutique du côté traditionaliste de la famille Vincent a immédiatement anticipé la décision du Conseil d’État en déposant un recours d’urgence mardi devant la CEDH. Ils ont fait appel à l’article 39 du règlement de la CEDH. Ainsi, la décision est suspendue (et non cassée), le temps de l’instruction la juridiction européenne de juger une nouvelle fois le fond.

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