Grand succès dans la manifestation contre le pacte de responsabilité
La manifestation contre le pacte de responsabilité à l’appel de la CGT, de FO, de FSU et de Solidaires a ressemblé 230 000 personnes dans près de 140 villes.
Il y a deux semaines, les syndicats jaunes (CFDT, CFTC, CFE-CGC) signaient le fameux pacte de responsabilité avec le patronat (MEDEF, CGPME, UPA) afin de baisser les cotisations sociales par des aides et de faire une hypothèque sur la création d’emplois.
Le bras de fer est désormais lancé. Profits, dividendes, chômage contre l’emploi, solidarité et partage retrouve enfin une vraie notion. Les ouvriers du public comme du privé sont allés manifester pour défendre leur droit, mais aussi dénoncer la politique libérale du gouvernement.
La logique de l’austérité continue sur ordre de la Commission européenne. L’austérité crée de l’austérité et détruit des emplois. Le Portugal comme la Grèce sont des exemples implacables de l’échec du néolibéralisme en Europe.
Frédéric Lordon, membre du collectif « Les Économistes atterrés », avait lancé une tribune sur son blog une tribune interpellant les citoyens sur l’affirmation suivante : « Les entreprises ne créent pas l’emploi » :
Évidemment le discours du positif a le gros bâton du négatif sous la main. Car si la société n’exécute pas les quatre volontés du capital, le capital a les moyens de le faire sentir à la société — et ceci du fait même qu’il a capté la maîtrise entière de sa reproduction matérielle. Il faut alors prendre un peu de recul pour mieux mesurer l’ampleur de la prise d’otages, et l’efficacité du rançonnement, depuis la suppression de l’autorisation administrative de licenciement au milieu des années 80 jusqu’aux dispositions scélérates de l’ANI, en passant par la baisse de l’impôt sur les sociétés, la défiscalisation des stock-options, les atteintes multiples au CDI, le travail du dimanche, etc., liste interminable de butins de guerre, dont il faut comprendre qu’elle est vouée à s’allonger indéfiniment tant qu’il ne se trouvera pas en face de la puissance du capital une puissance de même échelle mais de sens opposé pour le ramener autoritairement à la modération, car, la liste précédente l’atteste suffisamment, le capital n’a aucun sens de l’abus.
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En tout cas, derrière « les entreprises ne créent pas d’emploi » il ne faut certainement pas voir un énoncé à caractère empirique — que les vingt dernières années confirmeraient pourtant haut la main en tant que tel… Il s’agit d’un énoncé conceptuel dont la lecture correcte n’est d’ailleurs pas « les entreprises ne créent pas d’emploi » mais « les entreprises ne créent pas l’emploi ». Les entreprises n’ont aucun moyen de créer par elles-mêmes les emplois qu’elles offrent : ces emplois ne résultent que de l’observation du mouvement de leurs commandes dont, évidemment, elles ne sauraient décider elles-mêmes, puisqu’elles leur viennent du dehors — du dehors, c’est-à-dire du bon-vouloir dépensier de leurs clients, ménages ou autres entreprises.
[…]
Tout ceci signifie alors que nous n’avons pas à déférer à toutes leurs extravagantes demandes au motif qu’elles détiendraient le secret de la « création des emplois ». Elles ne détiennent rien du tout. Mais si l’emploi n’est pas créé par les entreprises, par qui l’est-il donc, et à qui devraient aller nos soins ? La réponse est que le « sujet » de la création des emplois n’est pas à chercher parmi les hommes, en vérité le « sujet » est un non-sujet, ou pour mieux dire la création des emplois est l’effet d’un processus sans sujet, un processus dont le nom le mieux connu est la conjoncture économique — terrible déception de ceux qui attendaient l’entrée en scène d’un héros… La conjoncture économique est en effet ce mécanisme social d’ensemble par quoi se forment simultanément revenus, dépenses globales et production. Elle est un effet de composition, la synthèse inintentionnelle et inassignable des myriades de décisions individuelles, celles des ménages qui vont consommer plutôt qu’épargner, celles des entreprises qui lanceront ou non des investissements — et, drame pour la pensée libérale-héroïsante, il faut avoir la sagesse intellectuelle de s’intéresser à un processus impersonnel.
Quand Jean-Claude Mailly déclare que « Quand on est d’accord, on signe, mais je ne signe pas un truc où il n’y a rien » avant de rajouter « Qu’est-ce que les salariés ont gagné avec ce pacte ? Rien. Mais M. Gattaz a eu satisfaction ». Cela suite une logique implacable, puisque le pacte ne créera pas d’emploi.
Thierry Lepaon de la CGT insistait de manière ferme : « Nous voulons dire au Medef que le chèque qu’il a obtenu de François Hollande ne sera pas un chèque en blanc, nous voulons des résultats en termes d’emplois, de salaires, de service public et de protection sociale. Nous ne sommes pas le club du non, nous sommes porteurs de propositions et les choix qui sont faits ne sont pas conformes à nos attentes ».
Pierre Gattaz peut se préparer à serrer les dents dans un fauteuil de luxe. Devant l’association patronale Ethic, le patron des patrons avait déclaré : « Les dividendes, c’est la rémunération d’un risque. Or les actionnaires, vous les rémunérez par des dividendes. Le monde entier fonctionne comme ça. Ce n’est pas le Medef. Les Chinois fonctionnent comme ça, les Indiens, les Coréens, les Allemands, les Anglais ». C’est une façon de suggérer que les baisses de charges prévues par le pacte de responsabilité pourraient aussi servir à la distribution de dividendes ?
Pour finir, dans son communiqué, la CGT a annoncé que : « Cette mobilisation doit encourager toutes celles et tous ceux qui depuis des semaines luttent contre les restructurations et les suppressions d’emplois. Cela doit encourager toutes celles et tous ceux qui considèrent que le pacte de responsabilité est une mauvaise réponse aux problèmes posés à l’économie française ».
Pierre Le Bec