Aujourd’hui à Nantes, événement historique considérable dans l’histoire nationale de la gauche.

Aujourd’hui samedi 24 novembre 2012, une foule considérable de plusieurs milliers de personnes s’est rassemblée à Nantes en solidarité avec les opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Cette foule non-violente, composée de personnes de tous âges et de toutes conditions sociales, s’est repliée sereinement face à l’inepte attitude des policiers repliés dans la préfecture, qui aspergeaient les abords à coup de canons à eau, ajoutant le ridicule à l’odieux.

C’est alors que des milliers de personnes ont crié spontanément « Libérez la ZAD » (de Notre-Dame-des-Landes), mais aussi « Ayrault démission ».

Or, c’est la première fois dans l’histoire de la France que la gauche au pouvoir fait l’objet d’une aussi importante manifestation de rejet.

Quand la Révolution française s’est embourgeoisée avec le Directoire puis le Consulat bonapartiste, qui a supprimé la liberté de la presse, instauré la police moderne de Fouché et rétabli l’esclavage, il n’y a pas eu de manifestation de cette ampleur contre le pouvoir républicain de gauche.

Quand la Seconde République pleine d’espoirs en 1848 a fini par trahir les idéaux des ouvriers et de les réprimer dans le sang, il n’y a pas eu de manifestation de cette importance en province.

Quand la Commune a été écrasée, quand le parti socialiste (de Jaurès assassiné) a trahi en se ralliant à l’Union sacrée militariste en 1914, quand Léon Blum n’a pas osé venir en aide à nos frères espagnols antifascistes en 1936, quand le socialiste Guy Mollet s’est enfoncé dans la guerre coloniale honteuse en Algérie après 1956, quand Mitterrand a choisi la rigueur en 1983 et maintenu le programme nucléaire le plus important au monde, il n’y a jamais eu de manifestation d’une telle ampleur, ni à Paris, ni en province.

Ce que les précédents gouvernements de gauche n’avaient jamais réussi à obtenir, Jean-Marc Ayrault a réussi à le provoquer : une cassure qui n’est pas idéologique ou générationnelle, mais d’abord morale et profondément politique (au sens non partisan du mot « politique »).

C’est la fracture entre la gauche institutionnelle (enfin démasquée ou désignée comme telle ?) et la gauche vivante (enfin révélée à elle même ?), composée d’un « peuple de gauche » sévèrement désillusionné, qui se réveille au prix de cette désillusion, qui se découvre orphelin, enfin adulte et autonome, pluraliste, créatif.

Tout ça pour un aéroport !

Il n’est pas étonnant qu’à 21 heures, le premier ministre annonçait finalement la création d’une « commission du dialogue » pour sauver ce qui peut l’être encore, alors que pourtant son gouvernement affichait encore sa fermeté quelque peu machiste durant les heures précédentes de la journée. Entre temps, il s’était passé cette manifestation historique en fin d’après-midi, exceptionnelle pour Nantes et pour la France.

(Nota : les quelques maigres incidents de provocation violente survenus à Nantes bien après la manif sont anecdotiques au regard de l’importance de l’événement. Il ne peuvent amuser que quelques chroniqueurs myopes et intéressés à la myopie, mais pas les observateurs sérieux.

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